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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 149

Le lundi 14 juin 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le lundi 14 juin 1999

La séance est ouverte à 16 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le docteur Harold Jennings

Félicitations à l'occasion de la remise du prix de l'Institut professionnel de la fonction publique

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, à titre de président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, j'ai accepté l'invitation du l'Institut professionnel de la fonction publique à assister ce midi à la remise du Prix de la médaille d'or dans la catégorie sciences pures ou appliquées.

Steve Hindle, président de l'Institut professionnel de la fonction publique, a remis le prix au Dr Harold Jennings, recherchiste principal à l'Institut des sciences biologiques du Conseil national de recherches du Canada. Le docteur Jennings a été honoré pour ses travaux sur la chimie et l'immunochimie des glucides, qui ont mené à la conception et à la mise au point de vaccins synthétiques pour le traitement et la prévention d'infections bactériennes, spécialement chez les enfants. L'oeuvre que le Dr Jennings accomplit depuis plus de 30 ans au Conseil national de recherches du Canada aurait permis de sauver des milliers de vies et d'améliorer sensiblement à l'échelle mondiale la capacité de produire de nouveaux vaccins contre de nombreuses maladies.

Du point de vue commercial, le CNRC a ainsi pu récolter un million de dollars en redevances. Ces produits sont mis au point grâce à un partenariat avec North American Vaccines, une société canadienne dont BioChem Pharma est l'un des principaux actionnaires. On a également conclu un accord de développement clinique et un accord de licence concernant la méningite B avec la société Pasteur Mérieux, division des sérums et des vaccins.

Le Dr Jennings a près de 70 ans mais, au dire de ses collègues du CNRC, il semble qu'il ait toujours l'enthousiasme et le dévouement d'un scientifique de 30 ans au tout début de sa carrière. Loin de ralentir ses activités, il participe à l'heure actuelle à certains des plus importants projets de recherches mis sur pied récemment par l'Institut des sciences biologiques. J'ai d'ailleurs entendu avec intérêt la semaine dernière l'annonce du gouvernement selon laquelle l'institut collaborera avec le Groupe Pasteur Mérieux Connaught de recherche sur les vaccins contre le cancer à un projet de recherche en vue de la mise au point d'un vaccin thérapeutique contre le cancer de la prostate. Cette société privée compte consacrer jusqu'à 350 millions de dollars sur 10 ans à la mise au point de vaccins thérapeutiques contre le cancer. Le gouvernement fédéral investira 60 millions de dollars dans ce projet. L'objectif à long terme du groupe est de trouver un moyen d'utiliser le système immunitaire pour traiter le cancer.

À court terme, le groupe vise à démontrer, d'ici l'an 2000, que les vaccins thérapeutiques peuvent stimuler une réponse immunitaire tumorale spécifique chez les personnes atteintes du cancer. On rapporte que le premier vice-président de la Société Pasteur Mérieux Connaught a dit que les scientifiques du CNRC étaient les premiers au monde dans le domaine de la spectrométrie de masse, un élément qui sera certainement primordial pour la réussite de ce projet.

Pendant le cours instant que j'ai passé auprès des gens du CNRC, j'ai eu la chance d'entendre parler d'autres travaux importants menés au sein du CNRC et en collaboration avec le secteur privé. On parle par exemple de la mise au point d'un nouveau produit qui servira à la fabrication de la pâte à papier, remplaçant le chlore par un processus moins dommageable pour l'environnement, tout en réduisant les coûts de production pour les usines de pâtes à papier.

J'ai été très fier et très heureux de constater que le CNRC regroupe toute une équipe d'hommes et de femmes de tous les âges, très qualifiés dans plusieurs domaines, qui ont des origines ethniques et des accents très différents, qui font un excellent travail d'équipe et qui semblent tous très bien s'entendre.

Le Conseil national de recherches du Canada a une histoire très glorieuse et les honneurs rendus aujourd'hui au Dr Jennings ne font qu'ajouter à sa réputation. Je félicite le Dr Jennings et le CNRC ainsi que l'Institut professionnel de la fonction publique de son choix. De plus, j'exhorte les sénateurs à chercher à mieux connaître les travaux du CNRC, qui constituent sans contredit une source de fierté et de satisfaction pour tous les Canadiens.

[Français]

Le décès de M. Yvon Beaulne

Hommage

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, la semaine dernière, à Hull, s'éteignait M. Yvon Beaulne.

Son Excellence Yvon Beaulne fut ambassadeur du Canada au Venezuela et en République dominicaine de 1961 à 1964, au Brésil de 1967 à 1969, aux Nations Unies de 1969 à 1972, à l'UNESCO de 1976 à 1979 et au Saint-Siège de 1979 à 1984.

Cet éminent diplomate de carrière s'est consacré corps et âme à la défense des droits et libertés pendant des années. Il fut le représentant du Canada à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies de 1976 à 1984. Il fut le président de la commission en 1979.

Au début des années 80, le professeur Walter Tarnopolsky, plus tard juge à la Cour d'appel de l'Ontario, fonda le Centre des droits de la personne à l'Université d'Ottawa. J'ai eu l'honneur de participer à la vie de ce centre. L'ambassadeur Beaulne nous donna son appui entier.

M. Yvon Beaulne était issu d'une famille qui a fait ses preuves, au théâtre et sur la scène diplomatique, politique, judiciaire et culturelle. Nous offrons à la famille nos plus vives sympathies. Un grand diplomate, un défenseur des droits et libertés dans le monde vient de nous quitter.


AFFAIRES COURANTES

Les Nations Unies

Dépôt de la version française du texte de la Résolution de l'Assemblée générale mettant fin aux hostilités en Yougoslavie

Au dépôt de documents:

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, jeudi dernier, j'ai eu l'honneur, avec la permission du Sénat, de déposer une copie de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, j'ai l'honneur de déposer une copie de la version française de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Son Honneur le Président: La permission du Sénat est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

(1610)

Affaires sociales, sciences et technologie

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, cette semaine encore, il semble que les leaders comptent, avec la permission des sénateurs, faire siéger le Sénat après 18 heures. J'avais prévu que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunirait à compter de 18 heures, ce soir. Par conséquent, en présumant que le Sénat siégera après 18 heures, je demande la permission de présenter la motion suivante:

Avec la permission du Sénat et par dérogation à l'alinéa 58(1)a) du Règlement, que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, soit autorisé à siéger à 18 heures aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Il est entendu que, si un vote a lieu à cette heure-là, le comité ne siégera pas à 18 heures.

Son Honneur le Président: Selon notre Règlement, si un vote a lieu, toutes les séances de comité sont suspendues.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

La Loi sur l'extradition-Les prétendues contributions au projet de loi du procureur en chef du Tribunal pénal international-La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question fait suite à une autre question inscrite en mon nom au Feuilleton, relativement à la possibilité que le procureur en chef sortant du Tribunal pénal international, Mme le juge Louise Arbour, ait été consultée au sujet de la rédaction ou de la préparation du projet de loi C-40. Le sénateur Grafstein a soulevé la question pendant le débat sur les amendements qu'il a proposés au projet de loi relativement à la Loi sur l'extradition. J'estime que la question de savoir si Mme le juge Arbour a été consultée au sujet de la préparation du projet de loi avant son dépôt à la Chambre des communes à l'étape de la première lecture revêt maintenant un caractère plus urgent depuis que Mme Arbour a été nommée à la Cour suprême.

Je suis persuadé que le leader du gouvernement reconnaît avec moi l'urgence de la question. Je lui demande de tenter d'obtenir une réponse, de préférence avant l'ajournement d'été et avant que Mme Arbour ne soit assermentée.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis heureux que le chef de l'opposition ait soulevé la question, car je ne m'étais pas rendu compte que la réponse à la question se faisait toujours attendre. Je me souviens que le sénateur Lynch-Staunton a soulevé la question lors de l'examen du projet de loi C-40, concernant la Loi d'extradition. Je me rappelle également qu'à l'époque, Mme le ministre de la Justice a déclaré sans équivoque qu'elle ne s'était pas entretenue avec Mme le juge Arbour au sujet de ce projet de loi et que toute opinion émise avait un caractère purement hypothétique et faisait suite à des entrevues qui ont pu être accordée aux médias par Mme Arbour.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le ministre a tout à fait raison, le sujet n'a pas été soulevé durant la période des questions. Je pose la question à la suite d'une question écrite que j'ai fait inscrire au Feuilleton, et je serais normalement disposé à attendre le moment voulu pour obtenir réponse à cette question. Toutefois, étant donné que Mme le juge Arbour a été nommée à la Cour suprême, il est important d'établir clairement si, oui ou non, elle a joué un rôle dans la rédaction du projet de loi dont le Parlement a été saisi, ou a été consultée à cet égard. La plupart des gens reconnaîtront qu'il n'appartient pas à un membre du pouvoir judiciaire d'intervenir à quelque étape que ce soit du processus d'adoption d'un projet de loi, qu'il s'agisse de l'étape de la consultation, de la préparation, de la présentation ou autre, alors qu'il pourrait être saisi de cette mesure en tant que membre d'un tribunal.

J'aimerais bien, dans l'intérêt de Mme le juge Arbour, tirer cela au clair, car durant notre débat, on a laissé entendre qu'elle avait peut-être eu un rôle à jouer là-dedans. Il y a bien quelqu'un au ministère de la Justice qui, d'ici vendredi, pourra nous dire si c'est le cas ou non.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'essaierai de vous donner une réponse définitive à ce sujet. Ce dont je me souviens, c'est qu'un journaliste a demandé à Mme le juge Arbour si elle était d'accord sur l'esprit du projet de loi C-40 et si, selon elle, ce projet de loi était conforme à nos obligations internationales. Je crois que sa réponse a été affirmative. C'est tout ce que je puis dire à ce stade. Toutefois, je ferai tout mon possible pour essayer de vous donner une réponse plus définitive.

La défense nationale

La recherche et le sauvetage-L'élimination du service d'hélicoptères sur la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Depuis son arrivée au pouvoir, ce gouvernement veut absolument éliminer le service de recherche et de sauvetage par hélicoptère de la Garde côtière dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Il a d'abord remplacé le Sikorsky par un petit BO-15, dont les capacités sont très limitées, surtout la nuit et par mauvais temps. Aussi limitées soient les capacités de cet appareil, cet hélicoptère fait une nouvelle fois l'objet d'un examen et ce, en dépit de l'importance capitale de ce service dans la région.

Le ministre responsable de la Nouvelle-Écosse promet-il de maintenir le service de recherche et de sauvetage par hélicoptère dans cette partie de la Nouvelle-Écosse?

(1620)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ferai part des revendications du sénateur Comeau. J'estime que c'est un service tout à fait essentiel, surtout dans les régions côtières, et je comprends la préoccupation du sénateur Comeau. Encore une fois, j'en parlerai au ministre de la Défense nationale et au ministre des Pêches et des Océans.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, le ministre pourrait peut-être signaler à ses collègues que le budget de ce service est très restreint. En fait, nous entendons dire qu'il n'y a pas assez d'argent pour un pilote à temps plein et qu'il faut convoquer un pilote engagé à contrat à temps partiel. C'est très difficile pour les opérations de recherche et de sauvetage, surtout en hiver, où il y a beaucoup de pêche. Au lieu de sabrer dans ce service et d'avoir recours à des pilotes à temps partiel, le gouvernement envisagerait-il d'affecter un pilote à temps plein à cet appareil?

Le sénateur Graham: Je veux assurer à l'honorable sénateur que cette question m'intéresse tout particulièrement, puisque je viens de la région. Encore une fois, j'en parlerai avec les ministres compétents.

La force de maintien de la paix au Kosovo-L'état des chars Leopard-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement du Canada a annoncé qu'il envoyait des chars de combat principaux Leopard C1 au Kosovo. Ces chars ont un armement insuffisant, et le vérificateur général du Canada les a critiqués.

Le ministre pourrait-il nous dire combien de ces chars de combat on envoie et si les Leopard ont été modifiés ou modernisés?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai déjà décrit les Coyote et d'autre matériel qui a été envoyé, mais pour ce qui est des chars Leopard, je devrai obtenir de plus amples renseignements.

L'agriculture

La crise agricole dans les provinces des Prairies-La possibilité d'aide de l'État-Demande de mise à jour

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre pourrait-il nous dire ce qui en est de l'aide aux agriculteurs, maintenant que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a visité la Saskatchewan et le Manitoba?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'étais en Nouvelle-Écosse en fin de semaine et je suis arrivé à Ottawa juste à temps pour la convocation du Sénat à 16 heures. Je n'ai pas eu l'occasion de consulter le ministre de l'Agriculture. Toutefois, je peux assurer au sénateur Andreychuk que je le ferai à la première occasion, peut-être plus tard aujourd'hui, du moins je l'espère.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, il est difficile de savoir ce que fera le ministre de l'Agriculture. Il est venu en Saskatchewan mais, au lieu de parler aux agriculteurs, il semble qu'il ait rencontré une délégation, laquelle était surtout constituée de partisans du Parti libéral d'un peu partout dans la province, y compris des représentants du parti provincial. Plusieurs des agriculteurs qui étaient venus plaider leur cause n'ont pas pu entrer dans la salle où se déroulait la réunion.

Le ministre a dit qu'il n'affecterait pas d'argent neuf pour régler la crise dans le secteur agricole, mais qu'il examinerait plutôt les programmes en place. Je ne sais pas ce que cela veut dire et j'aimerais qu'on m'explique quelle est sa position au juste.

Je précise pour votre information qu'il pleut toujours dans la région. La situation est de plus en plus critique. Cela touche l'économie dans son ensemble.

Le premier ministre de la Saskatchewan a demandé que l'on réexamine la question immédiatement afin de venir en aide aux agriculteurs dès aujourd'hui, pas plus tard. Entre-temps, nous sommes toujours dans la même position: nous ne savons pas ce que le gouvernement compte faire, et la crise s'aggrave sans cesse.

J'aimerais qu'on porte de nouveau la question à l'attention du ministre. Le premier ministre pourrait peut-être venir dans la province pour se rendre compte de la situation.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je suis parfaitement au courant des inquiétudes que le sénateur Andreychuk et d'autres ont exprimées, et je m'attriste certes de la situation et je sympathise avec les agriculteurs qui sont si durement frappés.

Honorables sénateurs, je ferai de mon mieux pour transmettre à la première occasion au ministre de l'Agriculture et au premier ministre les observations des honorables sénateurs.

Projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations

Adoption par les Communes des amendements du Sénat

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message informant le Sénat qu'elles ont adopté les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet.

ORDRE DU JOUR

Projet de loi d'exécution du budget de 1999

Troisième lecture-Motion d'amendement-Report du vote par appel nominal

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Kroft, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-71, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 février 1999.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Bolduc, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) aux pages 10 à 12, par suppression de la partie 3;

b) par le changement de la désignation numérique des parties 4 à 9 et des articles 20 à 50 en conséquence et de tous les renvois qui en découlent.
Son Honneur le Président: Si aucun honorable sénateur ne demande à intervenir à l'étape de la troisième lecture, le vote sera reporté à 17 heures. Le timbre retentira dès 16 h 45.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-79, Loi modifiant le Code criminel (victimes d'actes criminels) et une autre loi en conséquence, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-79, Loi modifiant le Code criminel (victimes d'actes criminels). Les modifications proposées dans ce projet de loi représentent des réformes nécessaires et raisonnables qui répondront aux besoins et aux préoccupations des victimes d'actes criminels à l'égard du système de justice pénale.

Honorables sénateurs, d'après les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et les consultations effectuées auprès des gens d'en face, il est clair que les deux partis représentés au Sénat appuient les modifications proposées dans ce projet de loi.

Les députés, les représentants des victimes, les fournisseurs de services et les membres du public ont également exprimé leur appui au projet de loi C-79 et je crois qu'ils ont eu parfaitement raison. Les modifications proposées au Code criminel dans le projet de loi C-79 renforcent les dispositions actuelles sur la déclaration de la victime, l'amende supplémentaire et les interdictions de publication et d'identification, afin de faciliter la comparution des victimes et des témoins.

En faisant fond sur ces dispositions, elles font ressortir le fait que les mesures législatives adoptées par le gouvernement précédent étaient excellentes. Dans le passé, l'efficacité du système de justice pénale était compromise par le refus des victimes et des témoins de participer aux procédures judiciaires.

Les modifications visent également à mettre en application de nouvelles dispositions pour calmer les craintes des victimes concernant leur sécurité, pour améliorer et multiplier leurs possibilités d'assurer la prise en compte de leurs opinions, et pour encourager la communication de renseignements aux victimes.

Comme les honorables sénateurs le savent probablement, les modifications du projet de loi C-79 donneront suite aux recommandations unanimes du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, incluses dans son rapport «Participer sans entraver». Ces modifications feront mieux entendre la voix des victimes d'actes criminels dans notre système de justice pénale, sans s'opposer le moindrement aux droits de ceux qui sont accusés d'actes criminels.

Je tiens à dire que j'ai été très heureuse de siéger au comité durant son étude du projet de loi, même si, malheureusement, je n'y ai pas été pendant toute la durée de cette étude. Toutefois, c'était bon d'être de retour au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Le premier amendement qui suscitait des préoccupations portait sur les déclarations de la victime, et le deuxième, sur l'interdiction de publication. Je me permets d'exposer brièvement ces préoccupations.

Deux amendements ont suscité des préoccupations particulières durant les délibérations du comité. L'amendement sur les déclarations de la victime donnera aux victimes la chance de présenter leur déclaration en audience publique. Cela permettra aux victimes, outre le fait qu'il sera obligatoire de prendre leur déclaration en considération, d'être entendues par le juge et par toute autre personne présente au tribunal au moment de la détermination de la peine, y compris par l'accusé.

La deuxième préoccupation avait trait au fait que le projet de loi C-79 permet à un juge de limiter la publication de l'identité de diverses catégories de victimes ou de témoins. L'interdiction de publication sera imposée quand la victime démontrera la nécessité d'une ordonnance à cette fin et quand le juge la considérera nécessaire pour la bonne administration de la justice. Cette disposition inscrit dans la loi les principes du droit et de la procédure tels qu'établis par la Cour suprême du Canada. Elle respecte pleinement la nécessité d'équilibrer les droits de la victime, ceux des accusés et ceux du public.

Honorables sénateurs, je puis vous assurer que l'élargissement du sens de la disposition sur l'interdiction de publication ne vise pas à pénaliser la presse ou à restreindre la transparence des délibérations des tribunaux. C'est plutôt une réaction aux préoccupations exprimées par les victimes ainsi que par leurs avocats et par les fournisseurs de services aux victimes. Il vise à protéger l'identité des victimes et les témoins d'actes criminels et à leur épargner des difficultés, de la gêne et du harcèlement qu'ils n'ont pas mérités.

En tant que parlementaires, nous avons l'obligation d'adopter des lois qui servent les intérêts des Canadiens. Je suis fermement convaincue que le projet de loi C-79 répond à cette obligation. En effet, par le truchement de cette mesure législative, nous encourageons la mise en place des services destinés aux victimes et aux témoins d'actes criminels, ainsi que la dissémination de l'information sur notre système de justice pénale.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à donner votre consentement au projet de loi C-79 et, ce faisant, à accorder aux victimes d'actes criminels le respect, la dignité et la protection qu'elles méritent.

[Français]

(1630)

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je désire dire quelques mots au sujet du projet de loi C-79.

Certains médias ont eu des inquiétudes quant à la portée de l'interdiction de publication de l'identité de la victime ou d'un témoin, prévue aux articles 1 à 3 du projet de loi C-79.

Lorsqu'un juge émet une telle ordonnance, il doit prendre en considération les critères prévus au paragraphe 3(4.7) du projet de loi. Ces critères découlent d'un arrêt important rendu, il y a quelques années, par la Cour suprême du Canada, l'arrêt Dagenais.

L'arrêt Dagenais, on le sait, porte sur la question des ordonnances de non-publication en relation avec le droit d'un accusé à un procès juste et équitable.

Rappelons brièvement les faits. La Société Radio-Canada avait annoncé, en novembre 1992, la télédiffusion d'une mini-série coproduite par l'Office national du film et intitulée: Les garçons de Saint-Vincent. Au même moment se déroulait en Ontario un procès impliquant des religieux accusés d'avoir abusé sexuellement de jeunes garçons qui leur avaient été confiés. Trois autres procès étaient sur le point de commencer. La mini-série était un récit fictif relatant les abus sexuels infligés à des enfants vivant dans une institution catholique. La cour de justice de l'Ontario a fait droit à la demande d'injonction et a émis une ordonnance de non-publication, partout au Canada, de la mini-série. Cette injonction a été maintenue par la Cour d'appel de l'Ontario mais fut restreinte au Québec et à l'Ontario jusqu'à ce que les quatre procès soient terminés.

La Cour suprême, à la majorité, annula l'interdit de publication. Le juge en chef Lamer a estimé d'abord que la règle de common law qui confère au juge un pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance de non-publication devait respecter les principes énoncés dans la Charte de 1982, sinon le juge commettait une erreur de droit qui pouvait justifier une annulation.

En examinant l'opportunité de rendre une ordonnance de non-publication, le juge ne devait pas adopter une conception hiérarchique des droits protégés par la Charte, selon le juge en chef Lamer.

Ainsi, selon lui, une ordonnance de non-publication ne devait pas être accordée à moins de respecter les critères suivants:

a) Elle est nécessaire pour écarter le risque réel et important que le procès soit inéquitable, vu l'absence d'autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur la libre expression de ceux qui sont touchés par l'ordonnance.
À la lumière de ces critères, le juge en chef Lamer arrivait à la conclusion que l'ordonnance de non-publication était beaucoup trop générale et qu'il existait plusieurs autres moyens efficaces d'atteindre les objectifs visés.

Le juge en chef Lamer émettait aussi des doutes quant à l'efficacité des interdictions de publication. À l'heure de la technologie moderne, des réseaux informatiques et de l'électronique globale, il est très difficile d'empêcher l'information de circuler.

En procédant à cette analyse, le juge en chef Lamer soulignait l'importance de l'équité du procès aussi bien pour l'accusé que pour la société. C'est donc pour tous ces motifs que la majorité fut d'avis d'annuler l'ordonnance de non-publication.

Le juge Gonthier, auquel se rallia la juge L'Heureux-Dubé, rédigea des motifs dissidents. Il fut d'abord d'avis que la Charte n'avait pas modifié l'équilibre instauré par la common law entre la liberté d'expression et le droit à un procès équitable. De plus, l'ordonnance de non-publication en l'espèce portait peu atteinte à l'alinéa 2b) de la Charte, principalement parce que le caractère immédiat de la mini-série, contrairement aux nouvelles de l'information, n'était pas actuel. Le report de la diffusion de la mini-série à la fin des procès ne causerait pas un préjudice grave à la SRC, selon le juge Gonthier. Il estimait en outre que les progrès technologiques ne devaient pas faire échec aux ordonnances de non-publication dans des cas exceptionnels. Pour ces motifs, le juge Gonthier aurait donc confirmé la décision de la Cour d'appel de l'Ontario et restreint l'injonction interlocutoire au Québec et à l'Ontario.

Je rappelle que la question de l'interdiction de publier l'identité de la victime en matière d'agression sexuelle avait déjà fait l'objet d'une décision de la Cour suprême, soit l'arrêt Canadian Newspaper, en 1988.

Ainsi, la liberté de presse permet, en principe, l'accès aux audiences des tribunaux et la publication des comptes rendus. Dans l'affaire Canadian Newspaper, la Cour suprême a statué que l'interdiction de publier l'identité du plaignant dans une affaire de nature sexuelle, lorsque le plaignant en fait la demande en vertu du paragraphe 442(3) du Code criminel, porte atteinte à la liberté de presse, mais se justifie sous l'article 1. Il s'agit, selon la cour, d'une restriction minimale à la liberté de la presse et non d'une interdiction générale, et cela a pour objectifs d'encourager les victimes d'agression sexuelle à porter plainte, de faciliter la poursuite et la condamnation des agresseurs, de réprimer le crime et d'améliorer l'administration de la justice.

Honorables sénateurs, à mon avis, le projet de loi C-79 respecte les principes énoncés dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et ce projet de loi est respectueux des droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

Son Honneur le Président: Si aucun autre honorable sénateur ne souhaite prendre la parole, je vais passer à la motion.

Il est proposé par l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, que le projet de loi soit lu une troisième fois maintenant. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

La Loi nationale sur l'habitation
La Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement

Projet de loi modificatif-Troisième lecture-Suspension du débat

L'honorable Aurélien Gill propose: Que le projet de loi C-66, Loi modifiant la Loi nationale sur l'habitation et la Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement et une autre loi en conséquence, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour me prononcer sur le projet de loi C-66, Loi modifiant la Loi nationale sur l'habitation et la Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

L'objet du présent projet de loi est fort simple: doter la Société canadienne d'hypothèques et de logement de la flexibilité nécessaire pour s'acquitter du nouveau mandat que le gouvernement lui a confié.

(1640)

Le nouveau mandat fait en sorte que les activités essentielles de la Société canadienne d'hypothèques et de logement soient mieux ciblées et quelque peu modernisées. Il s'agit notamment du financement de l'habitation, de l'aide au logement, de la recherche et de la diffusion d'information, et de la promotion des exportations.

Le nouveau mandat, dont font état ces modifications, ouvre un nouveau chapitre de l'histoire de la SCHL, mais ce n'est que le plus récent chapitre d'une histoire marquée d'un succès impressionnant.

Dans le cadre des travaux de notre comité, nous avons entendu des témoins commenter le legs impressionnant de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Pour sa part, l'Association canadienne des constructeurs d'habitations soutient que la situation enviable faisant du Canada l'une des nations les mieux logées au monde est attribuable, dans une large mesure, au rôle crucial que la SCHL a joué en aidant le secteur du logement et les marchés du financement de l'habitation à apporter les innovations dont les consommateurs ont besoin.

Ainsi, tout au long de ses 50 ans d'existence, la Société canadienne d'hypothèques et de logement a adopté des mesures qui ont évolué au rythme de la capacité et des besoins du marché.

Honorables sénateurs, ce projet de loi vise à seconder l'oeuvre d'une société vouée à l'amélioration du bien-être des Canadiens, quelle que soit la région qu'ils habitent, une société dont la raison d'être consiste à aider les communautés de l'ensemble du pays à tirer pleinement partie des innovations du marché du logement.

Le projet de loi C-66 offre trois avantages: la SCHL sera en mesure de suivre l'évolution de la demande des consommateurs et de la conjoncture du marché. Les Canadiens en profiteront en obtenant des prêts hypothécaires à faible coût et en ayant accès au financement hypothécaire, peu importe l'endroit où ils habitent au Canada;

la SCHL pourra mieux faire connaître, sur les marchés étrangers, les produits et les services canadiens se rapportant à l'habitation. Cela permettra de créer des emplois pour les Canadiens, ici même et ailleurs dans le monde;

la SCHL sera en mesure d'offrir aux administrateurs de programmes d'aide au logement la flexibilité nécessaire pour gérer efficacement leurs ressources, pour le plus grand bien des gens qu'ils servent.

Les honorables sénateurs le savent, l'assurance-prêt hypothécaire de la SCHL connaît un grand succès, permettant ainsi, chaque année, à des centaines de Canadiens de réaliser leur rêve et d'accéder à la propriété. En fait, une maison sur trois au Canada a été construite ou achetée avec l'aide de la SCHL.

Le programme offre aux Canadiens l'occasion d'acquérir une maison en n'effectuant qu'un versement initial de 5 p. 100. Il était certes destiné à l'origine aux accédants à la propriété, mais en raison de son succès, il s'adresse maintenant aussi aux autres acheteurs.

Pour avoir une idée du nombre de Canadiens qui dépendent de ce programme de versement initial de 5 p. 100, imaginez-vous que, depuis son lancement en 1992, plus de 600 000 Canadiens y ont eu recours pour acheter leur première maison. Les enquêtes révèlent que, sans cette réduction de la mise de fonds initiale, 70 p. 100 de ces acheteurs n'auraient pas eu les moyens d'accéder à la propriété.

Cette nouvelle loi améliorera davantage un excellent programme. En effet, le projet de loi C-66 éliminera les contraintes inutiles à l'égard des activités d'assurance-prêt hypothécaire de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. La société jouira ainsi d'un accroissement de flexibilité et d'efficacité pour satisfaire les besoins des Canadiens en matière de logement.

Dès que la nouvelle loi sera en vigueur, la Société canadienne d'hypothèques et de logement pourra envisager d'introduire sur le marché un certain nombre de produits financiers originaux et novateurs en matière d'habitation, des produits tels que le prêt hypothécaire inversé, qui permet aux propriétaires-occupants âgés d'utiliser l'avoir propre de leur maison pour obtenir des fonds tout en demeurant chez eux.

J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que, contrairement aux assureurs privés, la SCHL joue également un rôle d'intérêt public. Honorables sénateurs, il incombe à la Société canadienne d'hypothèques et de logement de servir la population canadienne en raison même de son rôle d'intérêt public. Sa structure existe pour lui permettre de jouer ce rôle. Les modifications apportées à la Loi nationale de l'habitation permettront à la SCHL de poursuivre son rôle essentiel d'intérêt public, pour le bénéfice de générations de Canadiens à venir.

Cette mission d'intérêt public appelle également la SCHL à stimuler le financement privé de l'habitation dans les réserves.

Son Honneur le Président: Je regrette de vous interrompre, honorable sénateur Gill, mais selon l'ordre du Sénat, je dois demander que le timbre sonne maintenant pour le vote à 17 heures. Vous pourrez terminer votre discours lorsque nous reviendrons, une fois le vote terminé.

(Le débat est suspendu.)

[Traduction]

(1700)

Projet de loi d'exécution du budget de 1999

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle:

Sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Kroft, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-71, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 février 1999;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Bolduc, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) aux pages 10 à 12, par suppression de la partie 3;

b) par le changement de la désignation numérique des parties 4 à 9 et des articles 20 à 50 en conséquence et de tous les renvois qui en découlent.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion d'amendement.

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Bal four, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Buchanan, Coch rane, Cohen, Comeau, De Ware, Di Nino, Doody, Forrestall, Grimard, John son, Keon, Kinsella, LeBre ton, Lynch-Staunton, Murray, Oliver, Pitfield, Robertson, Roche, Simard, Spivak, Stratton, Tka chuk-29

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bryden, Butts, Carstairs, Chalifoux, Cook, Cools, Corbin, Fair bairn, Ferretti Barth, Fraser, Gauthier, Gill, Grafstein, Graham, Joyal, Kirby, Kroft, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mal oney, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Poulin, Robichaud (L'Acadie-Aca dia), Robichaud (Saint- Louis-de-Kent), Rompkey, Ruck, Stewart, Wilson -35

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune
[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je n'ai voté ni pour, ni contre et je ne me suis pas abstenu. Je veux souligner pour ceux qui nous observent que j'étais présent au Sénat.

Son Honneur le Président: Est-ce que vous étiez à votre fauteuil pendant le vote?

Le sénateur Prud'homme: Absolument.

Son Honneur le Président: Il y a un problème. Si vous êtes à votre fauteuil, vous devez soit voter, soit vous abstenir.

Le sénateur Prud'homme: J'ai quand même le droit de souligner que j'étais présent au Sénat pendant le vote, sans nécessairement dire que je suis pour, contre ou que je me suis abstenu. Ceux qui rédigent les Débats du Sénat l'inscriront. Cela me suffit.

Son Honneur le Président: Ces propos seront inscrits aux Débats du Sénat, mais votre nom ne sera pas inscrit au vote.

[Traduction]

Troisième lecture

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous revenons à la motion de troisième lecture.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Projet de loi sur la reconnaissance des services de guerre de la marine marchande

Rejet de la motion de deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Sur la motion de l'honorable sénateur Forrestall, appuyée par l'honorable sénateur Atkins, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-19, Loi visant à faire davantage reconnaître les services des anciens combattants de la marine marchande du Canada et prévoyant à leur endroit une compensation juste et équitable.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Forrestall, appuyé par l'honorable sénateur Atkins, propose que ce projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Je vois que deux honorables sénateurs se sont levés. Nous tiendrons donc un vote par assis et debout, conformément au Règlement du Sénat.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Bal four, Beaudoin, Berntson , Bolduc, Buchanan, Coch rane, Cohen, Comeau, De Ware, Di Nino, Doody, Forrestall, Grimard, John son, Keon, Kinsella, LeBre ton, Lynch-Staunton, Murray, Oliver, Prud'h omme, Robertson, Roche, Simard, Stratton, Tka chuk-28

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bryden, Butts, Carstairs, Chalifoux, Cook, Cools, Corbin, Fair bairn, Ferretti Barth, Fraser, Gauthier, Gill, Grafstein, Graham, Hervieux-Payette, Joyal, Kirby, Kroft, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Ma hovlich, Maloney, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Pitfield , Poulin, Robichaud (L'Acadie-Acadia), Robi chaud (Saint-Louis-de- Kent), Rompkey, Ruck, Stewart, Wilson-37

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune
[Français]

(1710)

La Loi nationale sur l'habitation
La Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gill, appuyée par l'honorable sénateur Ruck, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-66, Loi modifiant la Loi nationale sur l'habitation et la Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement et une autre loi en conséquence.

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, cette mission d'intérêt public appelle également la Société canadienne d'hypothèques et de logement à stimuler le financement privé de l'habitation dans les réserves. Au cours des travaux du comité, une déléguée de la Banque de Montréal a souligné l'importance de créer des possibilités de financement privé pour les Premières nations. Elle a également appuyé le projet de loi C-66 car, comme ses collègues, elle juge que si la Société canadienne d'hypothèques et de logement est autorisée à élaborer de nouveaux instruments pour soutenir le marché hypothécaire, la SCHL jouira de nombreuses possibilités d'envisager les moyens d'aider son institution financière et d'autres institutions à mieux servir les besoins des Premières nations.

[Traduction]

Le projet de loi C-66 vise aussi à rationaliser l'administration du logement social de sorte que les fonds publics soient utilisés le plus efficacement possible. Comme nous en avons discuté en comité, l'engagement financier du gouvernement envers les groupes qui bénéficient des programmes de logement social, y compris les autochtones, sera maintenu sans aucun changement. En fait, honorables sénateurs, la Fédération de l'habitation coopérative du Canada ne s'oppose pas au projet de loi.

Enfin, je tiens à souligner le rôle croissant de la SCHL dans la promotion des exportations. La prospérité du Canada dans l'avenir repose sur les exportations.

[Français]

Le Canada s'est bâti une réputation mondiale en ce qui trait à la qualité du logement et à l'aménagement de collectivités habitables et écologiques. Nous pouvons répondre à la demande de technologie, de produits, de services et de connaissances spécialisées en matière d'habitation sur la scène internationale.

L'honorable sénateur Ferretti Barth a présenté au comité un exposé convaincant sur l'énorme potentiel des exportations inhérent à notre technologie de l'habitation et a insisté sur les perspectives de création d'emplois qui en découlent.

En conclusion, honorables sénateurs, il est incontestable que les modifications du projet de loi C-66 moderniseront les divers aspects des tâches accomplies par la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Cette loi procurera des avantages à tous les Canadiens. Le système de financement hypothécaire concurrentiel servira les intérêts des acheteurs canadiens, la promotion accrue des produits et des services canadiens à l'étranger servira ceux du secteur de l'habitation et la création d'un plus grand nombre d'emplois et le service amélioré de la Société canadienne d'hypothèques et de logement profiteront à tous les Canadiens.

La Société canadienne d'hypothèques et de logement joue un rôle vital au sein du secteur canadien de l'habitation. L'adoption rapide de ce projet de loi offrira la garantie que la Société canadienne d'hypothèques et de logement continuera d'être un bien de grande valeur pour tous les Canadiens pour les nombreuses années à venir.

[Traduction]

L'honorable P. Derek Lewis (Président suppléant): Si aucun autre sénateur ne désire intervenir dans le débat de troisième lecture sur le projet de loi, je mettrai la motion aux voix.

Il est proposé par l'honorable sénateur Gill, appuyé par l'honorable sénateur Ruck, que le projet de loi soit lu une troisième fois maintenant.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Français]

La Loi sur les banques
La Loi sur les liquidations et les restructurations

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose: Que le projet de loi C-67, Loi modifiant la Loi sur les banques, la Loi sur les liquidations et les restructurations et d'autres lois relatives aux institutions financières et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

Projet de loi instaurant un programme d'indemnisation pour les expositions itinérantes

Troisième lecture

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-64, Loi instaurant un programme d'indemnisation pour les expositions itinérantes, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Le budget des dépenses de 1999-2000

Adoption du rapport provisoire du comité

Le Sénat passe à l'étude du seizième rapport (provisoire) du Comité permanent des finances nationales (budget des dépenses, 1999-2000), présenté au Sénat le 10 juin 1999.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je vais tout d'abord parler brièvement non pas du rapport du Comité des finances, mais plutôt des travaux effectués par le sous-comité sur la protection civile jusqu'à ce jour. Nous avons écouté l'honorable Art Eggleton, ministre de la Défense, s'exprimer sur la protection civile au Canada. Il a parlé assez ouvertement. Il a parlé de la Loi sur les mesures d'urgence qui a pris effet en 1988 afin de remplacer la Loi sur les mesures de guerre et qui habilite le gouvernement à prendre en charge la sécurité et le bien-être des Canadiens en cas de crise nationale.

En cas de désastre naturel, d'état d'urgence, de crise internationale ou de guerre, cette loi est un instrument de dernier recours. En fait, elle n'a jamais été utilisée depuis qu'elle a pris effet. Certaines conditions expresses doivent être remplies.

(1720)

Le ministre Eggleton a également mentionné le coût de plus en plus élevé des désastres, soit plus de 600 millions de dollars ces dernières années, je crois. Il nous a encouragés à chercher des mesures qui pourraient alléger ce coût. Il n'existe pour le moment aucune formule pour ce type de mesures, qui nécessite la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux. En d'autres mots, quoique ce soit ce que nous souhaitons, il n'existe aucune méthode ou formule pour le faire. Il attend ce rapport avec impatience, car il se rend compte, comme tout le monde, je crois, qu'il faut prendre des mesures.

Le lundi 31 mai, nous avons entendu M. Gordon A. McBean, sous-ministre adjoint du Service de l'environnement atmosphérique d'Environnement Canada. M. McBean est un expert de l'environnement, et il a répété ce que le ministre avait dit. Il a confirmé que ces désastres sont de plus en plus fréquents. Ses prévisions étaient assez inquiétantes. Il a dit qu'il y avait effectivement un réchauffement de la planète et que nous pouvions nous attendre à voir plus de tempêtes. Les météorologues peuvent prévoir les tempêtes de neige et les inondations et peuvent peut-être nous avertir 15 ou 20 minutes avant une tornade, mais la fréquence sans cesse croissante de ces phénomènes nous cause un problème. M. McBean a prédit une augmentation de l'intensité et de la fréquence des phénomènes météorologiques violents.

M. McBean a également dit au comité que le réchauffement de la planète n'aurait pas le même effet sur les diverses régions du pays. On s'attend à ce que certains de ces changements aient des effets catastrophiques sur les Canadiens, ce que nous savons déjà. Par exemple, il a parlé des Prairies, région qui nous intéressait particulièrement. Je crois que le sénateur Fraser a posé la question. M. McBean a dit que nous pouvions nous attendre à ce qu'il y ait encore des périodes de sécheresse, même si c'est difficile à croire aujourd'hui compte tenu des inondations qui ont frappé cette région du pays.

Honorables sénateurs, le comité poursuivra son étude en août. Nous espérons entendre à ce moment-là la Croix-Rouge et d'autres témoins. Nous voulons avancer assez rapidement parce que le comité aimerait déposer le rapport d'ici la fin de l'année. Nous présenterons des rapports provisoires entre-temps parce que je crois que cette question préoccupera de plus en plus les Canadiens.

Le neuvième congrès mondial sur les désastres aura lieu la semaine prochaine, du dimanche au mercredi, à Hamilton. Ce congrès porte non seulement sur les désastres naturels, mais aussi sur les désastres causés par des actes de terrorisme. Évidemment, le comité ne s'intéresse qu'aux aspects naturels des désastres.

C'était là le rapport, honorables sénateurs.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je tiens à souligner que ce rapport est un rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le comité poursuivra son examen du Budget principal des dépenses pour l'exercice 1999-2000, examen qui devrait durer un certain temps.

Je profite aussi de l'occasion pour remercier tous les témoins, y compris les secrétaires parlementaires, les représentants du Conseil du Trésor et tous ceux qui sont venus témoigner devant le comité, souvent avec un préavis relativement court.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi de crédits no 2 pour 1999-2000

Deuxième lecture

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-86, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant les exercices se terminant le 31 mars 2000 et le 31 mars 2001, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi C-86, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant les exercices se terminant le 31 mars 2000 et le 31 mars 2001, soit lu une deuxième fois. Le projet de loi C-86, aussi appelé projet de loi de crédits no 2 pour 1999-2000, demande au Parlement l'autorisation d'octroyer à Sa Majesté certains crédits -- 31,9 milliards de dollars - prévus dans le Budget principal des dépenses de 1999-2000.

Il convient de signaler aux honorables sénateurs que, dans le titre long du projet de loi C-86, il est question des «exercices financiers se terminant le 31 mars 2000 et le 31 mars 2001», alors que dans le titre abrégé il n'est question que de «1999-2000». C'est assez inhabituel, et je voudrais expliquer brièvement la différence dans les titres. Cela s'explique par le fait que l'annexe 2 du projet de loi C-86 prévoit l'affectation de sommes à l'Agence Parcs Canada pour les exercices financiers du 1er avril 1999 au 31 mars 2001.

La différence dans les titres a été soulevée à la Chambre des communes par le biais d'un recours au Règlement. Le 8 juin 1999, le Président Gilbert Parent a rendu sa décision au sujet du recours au Règlement concernant le projet de loi C-86 et il a déclaré celui-ci recevable. Il a dit ceci:

L'autorisation de crédits pluriannuels prévue à l'annexe 2 est fondée sur une mesure législative que le Parlement a adoptée en 1998 et qui autorise Parcs Canada à reporter à la fin de l'exercice 2000-2001 le solde non dépensé de son budget en 1999-2000. Mais, à mon sens, cet argent a été accordé au départ pour l'exercice 1999-2000. Malgré ce que dit le titre long, il s'agit toujours ici d'un projet de loi de crédits pour l'exercice 1999-2000. Ce qui figure à l'annexe 2 et est mentionné à l'article 2 n'est là qu'à titre d'information.

Ma décision est donc que la Chambre est saisie de façon régulière du projet de loi de crédits.

Je dois néanmoins exprimer de fortes réserves au sujet du titre long du projet de loi, qui fait allusion à deux exercices financiers. Cette mention est à la fois inutile et trompeuse. Il est évidemment trop tard dans l'étude des crédits pour envisager un amendement qui rectifierait cette anomalie, à moins que la Chambre n'agisse immédiatement avec le consentement unanime.

De toute façon, j'espère que, à l'avenir, le gouvernement veillera, dans les projets de loi de crédits, à ce que le titre indique clairement que les crédits demandés au Parlement, conformément à notre longue tradition, se rapportent au seul exercice visé par le Budget des dépenses.

Je pensais que les honorables sénateurs auraient des éclaircissements à donner sur ce point. Cette question des crédits pluriannuels a également été soulevée par les sénateurs pendant l'étude qu'a faite notre Comité des finances nationales. Je songe plus particulièrement au sénateur Bolduc. Le seizième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, adopté il y a quelques minutes, dit ceci:

En particulier, l'Agence canadienne des douanes et du revenu et l'Agence canadienne des parcs auront recours à ce système de crédits, ce qui semblerait placer encore davantage de crédits dans cette catégorie de dépenses qui ne font pas l'objet d'un examen régulier. M. Ianno a admis que ce type d'affectation de crédits sur deux ans se situe entre un crédit voté annuellement et un crédit législatif, mais a précisé que ces crédits font l'objet d'examens parlementaires réguliers et figurent tous les ans au budget.

(1730)

Le Budget principal des dépenses pour 1999-2000 a été déposé à l'autre endroit le 1er mars et au Sénat le 2 mars 1999. Il totalise 151,3 milliards de dollars, ce qui comprend un montant de 105,6 milliards de dollars déjà prévu par les lois existantes, et 45,7 milliards que le Parlement doit autoriser.

Le 25 mars 1999, le Sénat a adopté des crédits provisoires de 13,8 milliards de dollars pour les trois premiers mois de l'exercice qui se terminera le 31 mars 2000. Par le projet de loi C-86, Loi no 2 portant affectation de crédits, le Sénat et le Parlement sont invités à autoriser un montant de 31,9 milliards de dollars, soit le solde des crédits nécessaires pour les neuf mois restants de l'exercice en cours.

Le 24 mars et le 6 mai dernier, pendant l'étude du Budget principal des dépenses pour 1999-2000 au Comité des finances nationales, Richard Neville, fonctionnaire au Secrétariat du Conseil du Trésor, a comparu devant notre comité. Comme toujours, il a donné des réponses très franches et ouvertes. Je l'en remercie. De plus, MM. Andrew Lieff et Bob Mellon, fonctionnaires au Secrétariat du Conseil du Trésor, ont comparu avec M. Neville le 6 mai. Je les remercie de leur témoignage.

Tony Ianno, secrétaire parlementaire de Marcel Massé, président du Conseil du Trésor, a comparu devant notre comité le 2 juin 1999. M. Ianno a donné l'assurance aux sénateurs que, même si le Budget des dépenses principal 1999-2000 est en hausse par rapport à celui de l'exercice précédent, les dépenses du gouvernement sont jugulées, et cette augmentation concorde avec la politique du Canada en matière de santé financière. Je remercie le secrétaire parlementaire Ianno de son témoignage et des réponses apportées aux questions et préoccupations soulevées par le comité.

Le 23 mars 1999, pendant le débat de deuxième lecture du projet de loi C-74, Loi de crédits no 1, j'avais souligné bon nombre d'augmentations importantes par rapport au Budget principal des dépenses de l'année précédente, en mentionnant notamment des:

[...] hausses de 874 millions de dollars des crédits de Finances Canada au titre des paiements du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux; de 840 millions de dollars des crédits de Développement des ressources humaines Canada au titre de l'augmentation des prestations d'assurance-emploi versées; de 600 millions de dollars des crédits d'Agriculture et Agroalimentaire Canada au titre du soutien du revenu des sinistrés accordé aux agriculteurs qui ont souffert de la baisse récente des prix des produits de base; [...] et de 287 millions de dollars à divers ministères et agences au titre des exigences de la préparation à l'an 2000.

Je tiens aussi à souligner d'autres augmentations importantes figurant dans le Budget des dépenses principal de 1999-2000 et répercutées dans les lois de crédits, soit 700 millions de dollars versés à divers organismes pour les salaires et avantages sociaux du secteur judiciaire, des forces armées et de la GRC; 383 millions de dollars aux dépenses en immobilisations du ministère de la Défense nationale, dont le rétablissement de 150 millions de dollars correspondant à une réduction unique effectuée en 1998-1999; 322 millions de dollars aux ministères des Pêches et des Océans et du Développement des ressources humaines pour le programme canadien d'ajustement et de restructuration des pêches; 175 millions de dollars à Développement des ressources humaines Canada pour le Programme canadien de prêts aux étudiants; 171 millions de dollars au ministère des Affaires indiennes et du Nord pour les programmes à l'intention des Indiens et des Inuits, dont 52 millions de dollars pour répondre à la Commission royale sur les peuples autochtones et aussi 42 millions de dollars pour la réinstallation des Innu de Davis Inlet; 165 millions de dollars au ministère des Finances pour les paiements de transfert aux gouvernements territoriaux, y compris le plus récent territoire, le Nunavut; 135 millions de dollars à Santé Canada pour l'information du public au sujet du tabac, la recherche sur les substances toxiques, l'Initiative canadienne de lutte contre le cancer du sein, l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones et aussi les services de santé à l'intention des Premières nations et des Inuits; et 65 millions de dollars à l'Agence spatiale canadienne pour le projet Radarsat-2.

Honorables sénateurs, ce sont là certains des principaux changements que comprend le Budget des dépenses principal 1999-2000. J'exhorte tous les sénateurs à octroyer les crédits à Sa Majesté et à adopter le projet de loi C-86, Loi de crédits no 2 pour 1999-2000, pour permettre au gouvernement du Canada d'assurer la bonne marche de ses activités.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, le sénateur Stratton vient de nous remettre un rapport détaillé du sous-comité sur la protection civile, concernant les mesures d'urgence. Le sénateur Cools nous a livré une synthèse du rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales qui porte sur les estimations de cette année. On nous présente cette année des estimations sur une base pluriannuelle dans deux agences spéciales du gouvernement.

Je ne suis pas sûr qu'on crée un précédent correct. Tel qu'on nous l'a expliqué, cela peut aller. Si on multiplie les organismes et les agences spéciales et que l'on commence à faire des budgets multiprogrammes, cela est moins sûr. Je peux comprendre cette mesure pour des dépenses capitales, mais il me semble que cela ne convient pas pour des dépenses d'opération.

[Traduction]

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi correctif de 1999

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Lorna Milne propose: Que le projet de loi C-84, Loi visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines lois ayant cessé d'avoir effet, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de vous entretenir du projet de loi C-84, Loi corrective de 1999.

Le programme des lois correctives a été établi en 1975 à titre d'initiative de réforme du droit. Depuis lors, huit lois correctives ont été adoptées en 1977, 1978, 1981, 1984, 1987, 1992, 1993 et 1994. Le but de ce programme est d'apporter des modifications mineures et non controversables à certaines lois fédérales sans devoir attendre qu'elles soient ouvertes en vue de modifications plus substantielles.

La procédure de modification par voie de loi corrective vise à économiser le temps du Parlement. Les propositions sont déposées au Parlement et renvoyées au comité de chaque Chambre, qui procède à une étude préalable avant qu'un projet de loi ne soit présenté. L'étude des propositions est non partisane. Si un comité s'oppose à une proposition ou si les représentants d'un parti à l'intérieur d'un comité s'y opposent, ladite proposition est automatiquement retirée du projet de loi. Un projet de loi renfermant uniquement les propositions approuvées par les comités des deux Chambres est ensuite présenté au Parlement.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-84 comporte trois parties. La partie 1 apporte des modifications de nature administrative à plus de 80 lois relevant de plus de 20 ministères et organismes fédéraux.

La partie 2 met à jour des renvois à la Loi de l'impôt sur le revenu dans le recueil des Lois révisées du Canada, qui est entré en vigueur en 1985, soit plusieurs années après les autres. Sans la mise en oeuvre du Programme de correction des lois, ces propositions n'auraient pas été apportées au cours du prochain processus de révision des lois.

La partie 3 abroge certaines lois périmées et apporte des modifications conditionnelles.

Pour être admissible au Programme de correction des lois, une modification doit être conforme aux critères suivants: premièrement, ne pas être controversable; deuxièmement, ne pas comporter de dépenses de fonds publics; troisièmement, ne pas porter atteinte aux droits de la personne; quatrièmement, ne pas créer d'infraction ni assujettir une nouvelle catégorie de justiciables à une infraction existante.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a analysé les propositions figurant dans ce projet en fonction de ces critères et en a fait rapport sans proposition d'amendement.

Le ministère de la Justice a déposé un certain nombre de modifications aux propositions qui avaient été déposées devant le Parlement en 1998. Ces propositions ont également été adoptées par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Certaines propositions ont été retirées parce qu'elles figuraient dans d'autres lois déposées devant le Parlement entre novembre 1988 et mai de cette année. D'autres modifications ont été retirées à la demande des ministères concernés. Une modification a été apportée de façon à refléter le changement de nom d'un tribunal de l'Ontario.

(1740)

Les recherchistes du comité ont étudié le projet de loi de très près et ont déterminé qu'il était tout à fait conforme, tant dans sa version anglaise que française, aux propositions qui avaient été analysées par notre comité. La seule modification proposée avait trait à la numérotation, en raison du retrait de certaines propositions au cours de l'étude de la Loi corrective.

La Loi corrective est un mécanisme très important qui permet le contrôle de la qualité des lois du Canada. Compte tenu de la procédure particulière suivie, je demanderais votre accord, honorables sénateurs, pour que l'on renvoie ce projet de loi au comité le plus rapidement possible de sorte qu'il puisse nous être retourné à temps pour que nous en fassions la troisième lecture à la prochaine séance du Sénat.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Madame le sénateur pourrait-elle nous donner quelques précisions?

Le sénateur Milne: Certainement.

Le sénateur Kinsella: Tout d'abord, quel ministre est responsable de ce projet de loi?

Le sénateur Milne: Plusieurs ministères sont visés par ce projet de loi, et il relève donc de plusieurs ministres différents. Nous avons reçu des fonctionnaires du ministère de la Justice et d'un autre ministère, mais je dois avouer que je ne me rappelle plus lequel.

Le sénateur Kinsella: Pour ce qui est du processus législatif, si nous sommes d'avis qu'une disposition de ce projet de loi est source de complications, nous n'avons qu'à nous lever ici dans cette Chambre et à souligner que l'article un tel nous semble être une source de complications, en expliquant pourquoi, et à proposer un amendement pour qu'il y ait consentement unanime pour faire tomber cette disposition. Est-ce ainsi que cela fonctionne?

Le sénateur Milne: C'est ainsi que le système fonctionnait lorsque nous avons étudié la Loi corrective en comité. À ce moment-là, tous les amendements un tant soit peu controversés ont été retirés. Le comité a fait rapport sur le projet de loi.

Le Sénat a accepté notre rapport sur ces propositions en mai. Le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis fait donc suite au rapport du comité. Il tient compte du fait que la Chambre des communes a également étudié les mêmes propositions et a accepté notre rapport. Notre comité a en fait terminé son étude avant même que la Chambre des communes n'ait étudié ces propositions.

Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur pourrait-il nous donner une indication du nombre d'articles qui ont été supprimés à l'étape de l'étude en comité ou à la suite de l'étude en comité?

Le sénateur Milne: Les autres membres du comité me corrigeront si je me trompe, car le comité a depuis étudié un grand nombre de projets de loi. Cependant, je pense qu'on a supprimé une vingtaine de dispositions environ.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): J'ai une question pour la présidente du comité. Je n'ai rien contre le rapport qui a donné lieu à ce projet de loi, à l'exception de la mention qui est faite dans le projet de loi au sujet d'une demande de l'Office national de l'énergie, ce qui, d'après le rapport est pousser un peu loin l'usage qui est fait de ce genre de projet de loi, à tel point que - et j'admire la franchise de toutes les parties concernées - il est précisé dans le rapport que cette décision ne doit pas servir de précédent. Je pense toutefois que se servir d'une loi corrective pour confirmer ce qui aurait dû l'être d'une autre façon, tant est qu'il faille le confirmer, est pousser trop loin l'utilisation de ce genre de mesure législative. Je me demande si vous pourriez nous expliquer comment on en est arrivé là?

Le sénateur Milne: On en est arrivé là par souci de sécurité. Ce qui était proposé, c'était l'octroi d'une servitude pendant trois jours. Lorsqu'il y a des travaux de construction quelque part, les sociétés gazières ou les sociétés d'exploitation de pipelines peuvent obtenir une servitude temporaire de trois jours afin d'avoir le temps d'aller marquer l'emplacement exact du pipeline pour éviter que les travaux d'excavation ne se fassent au-dessus de ce dernier. C'est strictement une mesure de santé et de sécurité. C'est pour ça que le comité a décidé d'accepter la proposition.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, il y a un article dans ce projet de loi, l'article 134, qui a retenu mon attention. Cet article porte sur les droits d'un citoyen canadien, ou d'un résident permanent, à interjeter appel en invoquant certains motifs. Ces motifs se trouvent dans la loi.

Honorables sénateurs, cet amendement semble soulever une question de droits qui pourrait porter préjudice au citoyen canadien, par exemple si je parraine un immigrant reçu et que je désire savoir si le citoyen canadien ou un résident permanent est assujetti à une limite quant aux motifs d'appel. Du point de vue de la justice naturelle, on ne peut sûrement pas faire obstacle aux motifs d'appel généraux. Cet article, s'il est ajouté au projet de loi, imposera une limite évidente au droit d'appel.

Le sénateur Milne: Je cherche l'article précis dont parle l'honorable sénateur.

Le sénateur Kinsella: Il s'agit de l'article 134, à la page 40.

Le sénateur Milne: À la page 40, je vois les articles 148 et 149.

Le sénateur Kinsella: Je m'excuse, c'est à la page 36 du projet de loi.

Le sénateur Milne: Je ne me rappelle pas la discussion concernant cet article, mais le personnel et les représentants du ministère nous ont donné l'assurance qu'il n'avait rien de litigieux. Dans l'état actuel des choses, je dois m'en remettre à ce qu'ils m'ont dit parce que la mémoire me fait défaut.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, en revenant à ce que je disais et d'après ce que je comprends, l'Office national de l'énergie a outrepassé son pouvoir de réglementation relativement à la zone de sécurité. Est-ce exact?

Le sénateur Milne: Non, l'office n'a pas outrepassé son pouvoir dans ce cas, quoiqu'il l'ait fait au cours des cinq dernières années. Il avait demandé une prolongation de son droit d'emprise sans autorisation du Parlement. On a tenté d'introduire l'autorisation parlementaire dans le projet de loi parce qu'il s'agit d'une question de sécurité. Nous avons accepté, pour cette seule raison.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'accepte cet argument, mais ce qui me trouble c'est que, une fois de plus, des organismes et ministères outrepassent de loin l'intention du législateur. Dans ce cas particulier, bien qu'il s'agisse d'une question technique et que l'office ait peut-être eu raison, il n'avait pas l'autorité voulue pour agir. Si je comprends bien, nous corrigeons la situation après le fait, ce qui n'est pas vraiment le rôle du Parlement.

Le sénateur Milne: C'est tout à fait vrai. C'est l'un des problèmes auxquels nous avons fait face lorsque nous avons étudié le projet de loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.

Le sénateur Milne: Toutefois, comme il s'agissait d'une question de sécurité, nous avons laissé passer.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je voulais seulement faire remarquer aux honorables sénateurs que ce n'est pas le rôle du Parlement d'accepter qu'après un certain nombre d'années, un organisme vienne plaider sa cause, et de dire: «Très bien, nous acceptons.»

Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner le projet de loi, mais j'ai lu le rapport. C'est un excellent rapport et je vous félicite. Je sais que vous avez fait un travail énorme.

(1750)

J'ai l'impression que d'autres corrections apportées dans ce projet de loi sont peut-être le résultat d'un abus de pouvoir. Mais restons-en là.

Le sénateur Milne: Je pense que c'est la seule correction.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela me rassure.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, nous avons devant nous un autre projet de loi de nature corrective. Il s'agit du neuvième projet de loi du genre depuis la création de ce programme de correction des lois en 1975. Le titre du projet de loi C-84 parle de lui-même: Loi visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines lois ayant cessé d'avoir effet.

Afin de déterminer quelles sont les propositions à retenir dans un projet de loi de nature corrective, le ministère de la Justice du Canada a élaboré une série de critères. Ainsi, les modifications proposées doivent:

a) ne pas être controversables;

b) ne pas comporter de dépenses de fonds publics;
c) ne pas porter atteinte aux droits de la personne;
d) ne pas créer d'infraction ni assujettir une nouvelle catégorie de justiciables à une infraction existante.
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a eu l'occasion d'examiner une version antérieure du projet de loi C-84 et, hormis quelques articles qui ont d'ailleurs été retirés et ne font pas partie du projet de loi, le projet de loi C-84 respecte, à notre avis, les critères énumérés précédemment.

Par ailleurs, je tiens à souligner, qu'il y aura lieu de se pencher, au moment opportun, sur la question de l'abrogation des dispositions législatives qui ont été déclarées inopérantes ou sans effet par la Cour suprême du Canada. Le Code criminel, par exemple, contient encore des dispositions qui ont été jugées inconstitutionnelles, invalides et inopérantes il y a plus de 10 ans, et pourtant, elles sont toujours dans le Code criminel. Il faut faire quelque chose pour remédier à cette véritable anomalie. Le rapport du 13 mai 1999 du comité en traite et suggère à la ministre de la Justice d'envisager des mécanismes appropriés. C'est un sujet sur lequel on devra se pencher.

Cela étant dit, je vous recommande, honorables sénateurs, d'adopter le projet de loi C-84.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de poursuivre, je crois que les sénateurs sont généralement d'accord pour ne pas tenir compte de l'heure à 18 heures.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

L'honorable Marcel Prud'homme: Votre Honneur, puisque vous posez la question, permettez-moi de vous dire que je vois très bien la pendule. Je crois bien qu'elle va bientôt marquer six heures. Nous verrons alors ce qui arrive.

Son Honneur le Président suppléant: Si ce n'est pas d'accord, j'interromprai la séance à 18 heures.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-82, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies et questions connexes), soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je n'interviendrai pas pour le moment à propos de ce projet de loi. Je vais plutôt céder la parole au sénateur Marjory LeBreton, laquelle, mieux que quiconque au Sénat, connaît l'importance de cette mesure législative.

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier sincèrement le leader du gouvernement au Sénat, madame le sénateur Carstairs, de la générosité avec laquelle elle m'a cédé la parole. Je me réjouis d'avoir ainsi l'occasion de parler de cette question très grave et très importante, mais vous ne serez pas étonnés d'apprendre que c'est une occasion que j'aurais volontiers laissé passer.

La préparation de cette intervention s'est révélée pour moi la tâche la plus difficile car, à la différence de beaucoup de dossiers que nous abordons au Parlement, à propos desquels nous pouvons faire des recherches, écouter les débats et tâcher de prendre des décisions éclairées dans les intérêts de nos concitoyens, dans le cas de celui-ci, je sais parfaitement et absolument de quoi je parle.

Peut-être que l'expérience que j'ai acquise à cet égard me permettra de bien faire comprendre que la conduite en état d'ébriété est un crime très grave.

C'est à la conduite en état d'ébriété qu'on peut associer le plus grand nombre de décès et de lésions corporelles attribuables à des causes criminelles au Canada. Or, il y a beaucoup de gens qui semblent peu disposés à faire face au problème de la conduite en état d'ébriété. Beaucoup font la sourde oreille aux appels en faveur de mesures sérieuses et rigoureuses en vue de retirer ces individus dangereux de nos voies publiques.

Honorables sénateurs, quand un individu prend une arme à feu ou un couteau et abat ou poignarde quelqu'un, les gens savent immédiatement qu'une infraction criminelle grave a été commise. Ils réclament tout naturellement qu'on agisse et ont tôt fait de parvenir à un verdict. Les gens réclament immédiatement des lois plus rigoureuses et des peines plus lourdes. Ils se prononcent en faveur du contrôle des armes à feu. Ils veulent plus de protection pour les policiers et pour le public.

Dieu merci, les Canadiens ne sont jamais devenus immunisés contre les actes de violence, qu'il s'agisse de crime commis avec préméditation ou de crimes que l'on qualifie de passionnels, ou sans préméditation. Commet se fait-il alors que certains, dans notre société, continuent de ranger la conduite en état d'ébriété dans la catégorie des problèmes sociaux au lieu d'en reconnaître la vraie nature, à savoir une infraction criminelle grave? Comment se fait-il que, dans une société éclairée comme la nôtre, les responsables de ces décès, de cette destruction et de ces lésions corporelles s'en tirent encore à relativement bon compte?

Il suffit de regarder autour de vous, honorables sénateurs. Les journaux locaux sont truffés d'articles sur des personnes qui ont été tuées ou mutilées par des conducteurs en état d'ébriété, dont bon nombre, malheureusement, ont également perdu la vie. Imaginez si, chaque semaine, ces articles disaient que des armes à feu ou des couteaux ont été utilisés pour tuer ou blesser des membres de notre famille, des amis et des voisins. Le public envahirait le Parlement, et pour cause, afin de réclamer des mesures correctives.

Mes propos peuvent sembler légèrement mélodramatiques, mais je veux simplement faire valoir que, bien trop souvent, le fléau qu'est la conduite avec facultés affaiblies fait l'objet d'une acceptation passive ou d'une négligence bénigne.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ne vous inquiétez pas au sujet de l'heure.

Le sénateur LeBreton: Je vous remercie, sénateur Prud'homme.

Consommer de l'alcool avec modération est socialement acceptable, mais consommer de l'alcool, puis conduire un véhicule avec un taux d'alcoolémie supérieur à 80 mg est une infraction pénale. Nous ne devons pas nous laisser embrouiller par l'infime écart qui existe entre les deux. Pour certains, même un taux de 80 mg est un seuil inacceptable, et certaines études ont prouvé que ce taux diminue considérablement les facultés. Ce débat sera pour une autre fois. Quoi qu'il en soit, on ne saurait négliger les appels en faveur d'une réduction du taux à 50 mg, voire d'un niveau de tolérance zéro pour quiconque conduit un véhicule à moteur. Pour l'instant, la plupart des gens voudraient simplement que nos policiers et nos tribunaux appliquent la loi actuelle, en utilisant le seuil de 80 mg. Malheureusement, il est rare qu'ils appliquent la loi en adhérant strictement au taux de 80 mg.

Honorables sénateurs, ma fille, Linda LeBreton, et mon petit-fils, Brian LeBreton, ont été tués le 21 janvier 1996. À ce moment-là, j'ai dû affronter la terrible réalité que leur décès inattendu a été le résultat direct d'une décision d'un jeune homme de prendre le volant de son automobile alors qu'il était complètement ivre, son taux d'alcoolémie étant près de trois fois supérieur à la limite autorisée par la loi. Je qualifie désormais les conducteurs ivres de «terroristes ambulants».

À l'époque, un grand nombre de gens de tous les horizons, des médecins, des infirmières, des avocats, des agents de police, des pompiers, des ambulanciers, des parents, des gens qui me croisaient dans les magasins et dans la rue, me disaient: «Faites quelque chose, vous êtes en mesure de faire modifier la loi.»

Aussi atterrée que j'aie pu l'être par les événements et leurs conséquences - le déni, la colère, la frustration et, finalement, l'acceptation -, je ne voulais pas que ma famille ou moi-même soyons dévastés par cette tragédie au point où nous serions aussi devenus d'impuissantes victimes de l'acte criminel. Je ne voulais pas que nous soyons davantage victimes de la personne qui avait enlevé la vie à un membre de ma famille.

(1800)

J'ai finalement relevé le défi et je me suis exprimée. J'ai suivi dans tous ses détails les délibérations du tribunal, qui ont duré deux mois, et j'ai souvent parlé de ma fille, de mon petit-fils et de notre famille. J'ai constaté que c'était très apaisant d'agir ainsi. J'ai commencé à assister aux réunions du groupe local de MADD, puis j'ai accepté l'invitation de me joindre au conseil d'administration national de MADD Canada.

MADD est un organisme à nul autre pareil, honorables sénateurs. Personne ne souhaite en devenir membre. Nous espérons sincèrement qu'il n'y aura jamais de motif d'expansion de cet organisme, et nous aimerions tous le voir se saborder parce qu'il n'aura plus sa raison d'être. C'est l'objectif auquel nous travaillons. Le jour où cela arrivera sera certainement un jour heureux. Nous avons fait des progrès, mais nous avons l'impression d'avoir encore beaucoup de chemin à parcourir. Cependant, comme le dit le vieux dicton, l'espérance reste toujours vivace.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-82 a été présenté par suite de recommandations faites par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, dans un rapport intitulé «Vers l'élimination de la conduite avec facultés affaiblies». L'utilisation du mot «vers» dans le titre du rapport est tout à fait appropriée, car la mesure législative qui se trouve devant nous constitue une étape importante dans le sens de l'élimination de la conduite avec facultés affaiblies.

C'est avec plaisir que je prends la parole pour appuyer ces changements destinés à être apportés au Code criminel et qui renforceront ces lois - lois qui ne peuvent qu'exercer un effet de dissuasion sur ces individus assez insensés pour croire qu'ils peuvent conduire en état d'ivresse et s'en tirer à bon compte.

Le projet de loi C-82 reconnaît que la conduite avec facultés affaiblies constitue toujours une grave menace pour la santé et la vie des Canadiens, que les dispositions du Code criminel à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies doivent refléter la gravité de l'infraction ainsi que le degré de responsabilité du contrevenant et que les sanctions imposées pour ces infractions doivent également refléter leur gravité.

Le projet de loi C-82 modifie le Code criminel afin de renforcer les lois et les peines imposées comme suit: il fait passer l'amende minimale obligatoire de 300 $ à 600 $ pour une première condamnation pour conduite avec facultés affaiblies. Il fait passer l'interdiction de conduire minimale obligatoire de trois mois à un an pour la première infraction, de six mois à deux ans pour la seconde infraction et d'un an à trois ans pour une infraction supplémentaire.

Honorables sénateurs, voilà pour les peines minimales.

Quant aux peines maximales, l'interdiction de conduire serait prolongée, passant de trois à cinq ans pour une deuxième infraction et de trois ans à une interdiction à vie dans le cas d'une infraction subséquente.

Honorables sénateurs, étant donné le nombre élevé des condamnations pour conduite avec facultés affaiblies actuellement au Canada, ces modifications auraient pour effet d'augmenter considérablement les périodes d'interdiction de conduire où que ce soit au Canada, qui seraient imposées aux contrevenants.

Le projet de loi rendrait également plus sévère la peine maximale imposée en cas de conduite pendant une période d'interdiction, la portant de deux à cinq ans. Il permettrait au juge qui rend la sentence d'exiger l'utilisation d'un antidémarreur comme condition de probation, là où le programme existe. L'Alberta a obtenu beaucoup de succès avec ce programme d'antidémarreur.

Le projet de loi autorise aussi un agent de la paix à exiger le prélèvement d'un échantillon d'haleine et, dans certains cas, de sang, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis, au cours des trois heures précédentes, une infraction de conduite en état d'ivresse. À l'heure actuelle, ce délai est de deux heures.

Honorables sénateurs, cette modification est très importante. J'en ai parlé avec de nombreux agents de police. Deux heures passent très vite quand on a affaire à un accident horrible. Il arrive même que celui qui commet l'infraction soit également transporté à l'hôpital. Cette modification donnerait plus de temps à la police pour recueillir des éléments de preuve. Espérons qu'en vertu de cette disposition, nous ne verrons plus autant de causes rejetées par les tribunaux pour des considérations d'ordre technique. Combien de fois avons-nous lu dans les journaux qu'une cause avait été rejetée parce que la police n'avait pas prélevé un échantillon dans le délai de deux heures?

Le projet de loi C-82 précise aussi que le fait que la concentration d'alcool dans le sang se situe au-delà du double de la concentration jugée criminelle de 160 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang est réputé être une circonstance aggravante par le juge qui rend la sentence.

Suivant la recommandation du comité de la Chambre des communes, selon laquelle la sentence en cas de conduite avec faiblesses affaiblies causant la mort serait alourdie et passerait de 14 ans à une interdiction à vie de conduire, cette disposition a été supprimée du projet de loi afin de faciliter son adoption. Elle a été représentée à la Chambre des communes sous la forme du projet de loi C-87.

Même si toutes les autres dispositions du projet de loi C-82 étaient importantes pour resserrer les lois et les peines, la disposition supprimée était la plus catégorique, car elle disait aux Canadiens que, s'ils boivent, prennent le volant et tuent, ils devront faire face à une peine qui correspond à l'acte perpétré. L'acte criminel, honorables sénateurs, est l'homicide commis au volant d'un véhicule.

Honorables sénateurs, lorsque nos proches, nos parents, nos amis ou nos voisins sont tués par quelqu'un qui conduit avec des facultés affaiblies, ce n'est pas un accident. Bien des gens qui ont perdu un être cher de cette façon sont troublés d'entendre certains appeler cela un «accident». Vous avez peut-être entendu le slogan du groupe MADD, les mères contre la conduite avec les facultés affaiblies; il dit que la conduite en état d'ébriété n'est pas un accident. Non, honorables sénateurs, conduire avec des facultés affaiblies est un geste délibéré, insensé et dont les résultats sont totalement évitables.

Imaginez mon désarroi lorsque j'ai vu cet important article sur la peine maximale servir de prétexte à des tirades politiques à l'autre endroit. J'ai été surprise de la résistance du Bloc québécois. Je n'arrive pas à comprendre sur quel raisonnement les bloquistes fondent leurs objections, car le Québec a donné un très bon exemple par sa façon de traiter la conduite avec facultés affaiblies. Je n'ai pu m'empêcher de penser que ces députés faisaient partie de ceux dont j'ai parlé plus tôt, qui refusent d'admettre que la conduite avec les facultés affaiblies est un acte criminel et persistent à croire que ce n'est qu'un problème social. Je crois que leur façon de penser n'est pas conforme à celle de leurs compatriotes québécois et canadiens.

J'ai été particulièrement offensée par les gestes et les paroles du chef de l'opposition officielle à la Chambre. Il a accusé mon collègue, et porte-parole de notre parti en matière de justice, M. Peter MacKay, de parler pour la galerie et de jouer un jeu politique parce qu'il a pris une position de principe et n'a pas voulu capituler en ce qui concerne l'article sur l'emprisonnement à vie, comme M. White semblait prêt à le faire au nom de son parti.

Il y a pire. M. Randy White, leader du Parti réformiste à la Chambre aurait dit, selon le Ottawa Citizen du 5 juin:

Durant la congé estival de la Chambre des communes, 15 000 Canadiens seront blessés et de 400 à 500 perdront la vie à cause de la conduite avec les facultés affaiblies.

Les modifications [à la loi] préviendraient vraisemblablement une partie de ce carnage. Bon nombre de personnes demanderont pourquoi les conservateurs choisissent de promouvoir leur programme politique au mépris de ces pertes de vie. Des politiciens responsables agiraient dès maintenant.

Des politiciens responsables, effectivement.

Il est tout simplement offensant, sans compter que c'est extrêmement cruel et injuste, que le leader Parti réformiste à la Chambre laisse entendre que nous, les progressistes-conservateurs, serons responsables du carnage sur les routes cet été. Cela démontre une totale ignorance des modalités de mise en oeuvre des modifications à une loi et du temps qu'il faut pour les appliquer. Je me suis demandé comment il pouvait penser une telle chose et, pire encore, la dire. Nous parlons de la vie précieuse de Canadiens. Il est répugnant de voir un parlementaire essayer de se faire du capital politique aux dépens des morts et des blessés de la route.

Je me dois de croire que ces propos ne reflètent pas fidèlement l'opinion de certains de ses collègues qui ont longtemps travaillé très fort pour faire modifier la loi. Je songe bien entendu au député de Prince George-Bulkley Valley, en Colombie-Britannique, M. Dick Harris, et au député de Surrey-Nord, M. Chuck Cadman. En fin de compte, à la satisfaction complète de tous, M. MacKay a obtenu le crédit de sa prise de position, car il a reçu l'assurance écrite du ministre de la Justice qu'un nouveau projet de loi serait proposé pour modifier le paragraphe 255(3) du Code criminel afin de faire passer de 14 ans à l'emprisonnement à vie le maximum de la peine pour conduite en état d'ébriété.

Je tiens à exprimer ma gratitude personnelle à mon collègue, M. MacKay, au leader du gouvernement à la Chambre, M. Boudria, et au ministre de la Justice, Mme McLellan. Nous avons là un excellent exemple de coopération entre deux partis au nom de l'intérêt du pays.

Honorables sénateurs, nos lois ne peuvent être bonnes que dans la mesure où le public les connaît et où nous sommes déterminés à les faire appliquer. Les recherches ont montré que nos dispositions sur la conduite en état d'ébriété sont fort mal connues. Les gouvernements à tous les niveaux doivent donc coopérer à l'élaboration de programmes de sensibilisation et d'information.

(1810)

Nous avons accru les peines avec ce projet de loi et nous les augmenterons de nouveau cet automne avec le projet de loi concernant l'emprisonnement à perpétuité.

Ces nouvelles lois ne seront efficaces que si notre système de justice les applique pleinement. Il est certain que, dans le passé, les peines infligées ont été nettement moins sévères qu'elles auraient pu l'être, et les victimes sont souvent traumatisées par leur expérience devant les tribunaux. Avec ses exigences concernant les peines minimale et maximale, le projet de loi C-82 contribuera à régler le problème dans une certaine mesure.

L'adoption du projet de loi C-82 apaise aussi un peu les inquiétudes de ceux qui m'exhortaient à faire quelque chose. Je n'ai toutefois été qu'un simple rouage de la machine qui a permis de faire avancer ce dossier.

Nous connaissons tous les statistiques: de quatre à cinq Canadiens sont tués quotidiennement, 125 sont blessés, les coûts annuels directs et indirects sont de 9 milliards de dollars et un nombre incalculable de Canadiens sont directement et indirectement victimes de ce genre de crimes. Selon une statistique particulièrement saisissante, l'alcool est en cause dans environ 42 p. 100 des accidents de voiture mortels - notamment les fins de semaine, et la Fondation de recherches sur les blessures de la route au Canada estime qu'un conducteur sur huit conduit avec des facultés affaiblies. N'est-ce pas là une pensée affolante pour quiconque prend le volant pour rentrer chez soi le soir?

Les statistiques sont simplement des statistiques. On ne pense jamais que pareille tragédie va nous arriver, et c'est tout à fait compréhensible. Cependant, on est parfois victime d'accidents comme ceux-là, et il est important de mettre des visages sur ces statistiques. C'est ce que je vais faire brièvement.

Nous devrions tous avoir une pensée pour les Dupres, de Greely, qui ont perdu un fils et un frère jumeau le 1er janvier 1999, ainsi que pour Zoe Childs et sa famille, de Kemptville, près d'Ottawa, Zoe ayant subi, dans le même accident, des blessures qui l'ont marquée à jamais et qui la laissent paraplégique; nous devrions aussi penser à Samantha Kilminster, de Kingston, qui a subi des pertes dont la seule idée est presque insoutenable, Samantha ayant perdu son mari, deux fils et une nièce. Elle a survécu à toute l'horreur de l'accident survenu en novembre 1998, tout comme son troisième fils.

Nous devrions aussi avoir une pensée pour M. et Mme Carl Rattray, de Harrowsmith, dont la fille, Jamie Lee, était la nièce qui prenait place dans le véhicule des Kilminster et qui se faisait raccompagner chez elle après avoir gardé les enfants des Kilminster; nous devrions aussi penser aux familles de Christina Carson et de Jennifer Schaus, qui ont été tuées alors qu'elles se rendaient à leur école secondaire, à Winchester, le matin du 24 octobre 1996.

Qu'est-ce que nous, parlementaires, pouvons dire à la famille de Gerald Murray, un homme en santé et actif qui a été tué à 11 h 30 à Val-des-Monts, pas très loin d'Ottawa, pendant qu'il se rendait à un dîner avec ses cinq petits-enfants le 7 janvier dernier?

Que pouvons-nous dire à Scott DuBois et à sa mère, Diane? En février dernier, la mère et le père de Scott, John et Diane DuBois, roulaient sur la 417, juste à l'extérieur d'Ottawa, en route vers Montréal, où ils allaient rendre visite à la mère de Mme DuBois, qui était malade. Qui pourrait penser que, sur une autoroute où les voies dans chaque sens sont divisées, on pourrait se retrouver face à un véhicule sorti de nulle part et venant en sens inverse? M. DuBois a été tué. Pensez au choc et à l'horreur. Il n'a probablement pas eu le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait ou de réagir.

Il y a aussi la famille Gericke. Il s'agit d'un cas très semblable à celui de ma propre famille, où le père et le fils aîné ont été tués. Dans notre cas, c'est la mère, ma fille Linda, et son fils aîné, Brian, qui ont été tués. L'accident des Gericke est survenu un an et quatre jours après que ma famille eut perdu deux êtres chers et, dans le cas de la famille Gericke et de la mienne, les coupables ont été condamnés le même jour de juillet 1997.

La liste des victimes et des circonstances entourant leur mort pourrait remplir des pages. Je ne peux pas mentionner tous les cas, mais je pense à la famille de Rosemary Bleackley, qui a été tuée sur la route 31, juste à la sortie d'Ottawa, en juillet 1994. Je pense aussi à James et Mary Agapotis, dont le fils, le Dr Michael Agapotis, a été tué à une intersection de Nepean, en juillet 1993. Il y a aussi la famille de Roeann McNeely, de Smith Falls, qui a été tuée près de Carleton Place, lorsque son véhicule a été heurté par un conducteur ivre qui conduisait du mauvais côté de la chaussée. Il y a aussi la famille de Robert John Hamilton, passager d'un véhicule qui a eu un accident à Ottawa, à l'intersection de l'avenue Carling et du Queensway. Bien sûr, il y a deux personnes que j'ai appris à connaître et à admirer, Colleen MacKenzie, dont le fils Blair a été tué deux semaines avant son 21e anniversaire, et Susan McNabb, la mère de Shane Norris, qui a été heurté par une automobile et tué sur le coup alors qu'il rentrait chez lui à bicyclette dans l'ouest de la ville. Colleen et Susan sont l'âme derrière la section de MADD à Ottawa.

Vous comprendrez, honorables sénateurs, ce que je veux dire lorsque je dis que je ne suis qu'un petit rouage dans toute la machine qui réclame une intervention et qui, enfin, a obtenu des résultats positifs.

C'est un honneur pour moi d'être associée à mes collègues du conseil d'administration national de Mothers Against Drunk Driving: le président, Tony Carvahlo; notre présidente du conseil, Susan MacAskill, de la Nouvelle-Écosse; notre excellent directeur général, Andrew Murie; nos membres d'un bout à l'autre du Canada, notamment Brad Dixon, de Vancouver, Herb Simpson, d'Ottawa, Richard Swinson, de Toronto, Ken Tanenbaum, de Toronto, Pam Dutton, de Coldbrook, en Nouvelle-Écosse, Sandra Henderson, de Kitchener, Jack MacLeod, de Vancouver, Kathie Macmillan, de Toronto et, évidemment, le fondateur de MADD, John Bates, d'Islington. À cette liste viennent s'ajouter Chris George, d'Ottawa, qui travaille au service des relations gouvernementales de MADD à titre de conseiller national en communications et en politiques publiques, et que la plupart d'entre vous ont déjà rencontré, et Robert Solomon, qui est notre directeur national de la politique juridique, un des plus grands juristes que je connaisse dans notre pays.

Nous avons fait un pas important, mais il reste encore des choses à faire, en grande partie sur le plan de la réglementation, notamment en ce qui concerne la question des dispositifs permettant aux policiers d'intervenir avant le fait. Pourquoi ne pas s'attaquer au problème à la source plutôt que d'attendre que le crime ait été commis?

Comme l'a dit mon collègue à l'autre endroit, nous, du Parti progressiste-conservateur, aimerions beaucoup que les policiers aient le pouvoir de prélever automatiquement un échantillon d'haleine sur les lieux d'un accident - il y a parfois des accidents qui ne sont pas causés par l'alcool - lorsqu'ils ont des motifs raisonnables et probables de croire que l'alcool est en cause. Nous aimerions aussi voir une utilisation accrue d'appareils de détection passive d'alcoolémie, d'ivressomètres numériques mobiles et de ce genre de technologie. Nous aimerions que les policiers soient mieux formés à reconnaître les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par la drogue ou l'alcool.

En conclusion, je crois que le projet de loi C-82 est une mesure extrêmement positive. C'est une question non partisane que la plupart d'entre nous appuient. Comme je l'ai dit au début, je suis heureuse d'avoir participé à ce débat. Je crois qu'il est de notre devoir de poursuivre le bon travail, en collaboration avec les nombreuses personnes qui ont contribué à la présentation de cette importante mesure législative au Parlement.

Lorsque le projet de loi reviendra du comité, je prendrai quelques instants pour parler de certaines initiatives positives qui ont été prises en l'honneur de Linda et de Brian, initiatives auxquelles ont participé des centaines de personnes d'un bout à l'autre du pays, dont beaucoup sont ici au Sénat. Je veux parler, bien sûr, du fonds commémoratif des bourses d'études LeBreton-Holmes, à l'Université d'Ottawa, et de l'impact de ce fonds sur les jeunes étudiants en droit et, nous l'espérons, sur leur travail futur dans notre système de justice pénale.

Encore une fois, je remercie tous les honorables sénateurs de l'attention qu'ils ont accordée à cette question et je les incite à adopter rapidement le projet de loi C-82.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je n'ai pas interrompu l'honorable sénateur LeBreton à 18 heures, parce que l'honorable sénateur Prud'homme m'avait envoyé une note me signalant qu'il acceptait de ne pas tenir compte de l'heure.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

(1820)

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

L'intervention en Yougoslavie-Les relations avec le droit international-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Grafstein, attirant l'attention du Sénat sur la question du droit international: le Canada et l'intervention de l'OTAN en République fédérale de Yougoslavie.-(L'honorable sénateur Grafstein).

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, avant de commencer, je voudrais informer le Sénat que je désire prendre plus d'une minute pour faire mon intervention. Je pourrais peut-être obtenir la permission du Sénat à l'avance.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous prendrez combien de temps?

Le sénateur Grafstein: Environ dix minutes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi avons-nous un Règlement?

Son Honneur le Président: Le sénateur Grafstein demande la permission du Sénat. La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je poursuis.

Selon le droit international, et surtout depuis la Deuxième Guerre mondiale, la majorité des droits et obligations des États semblent découler de traités et de conventions, qui ont été ratifiés librement. Ces conventions et ces traités font partie du droit conventionnel qui repose encore sur le droit coutumier. Ce qui donne force exécutoire à une convention ou à un traité est une règle de droit coutumier, selon laquelle, dès qu'un État ratifie une convention ou un traité, il est tenu de respecter ses engagements. Tout comme la common law, le droit coutumier évolue de manière épisodique. Il s'adapte aux nouvelles situations, sans suivre un processus régulier. Il est dicté par les actions et le comportement des gens. Oliver Wendel Holmes a déjà expliqué le développement de la common law en ces termes:

L'évolution de la loi ne repose pas sur la logique, mais sur l'expérience.

Cette épigramme s'applique avec encore plus d'acuité au droit international. Les traités multilatéraux, soit le droit conventionnel, constituent une solution de rechange non exclusive à la primauté du droit international coutumier. C'est plutôt une branche différente d'un même arbre. C'est une doctrine de droit organique. C'est la doctrine de l'arbre en croissance, articulée autour de la jurisprudence dans le droit interne, et la même doctrine organique qui étoffe les principes et éclaire les précédents découlant des traités normatifs. Peut-être serez-vous étonnés d'apprendre qu'en dépit des divers échanges commerciaux sur les tarifs, les subventions et les politiques sociales et financières, près de 50 p. 100 du total des travaux savants et universitaires sur le droit international découlent de la plus dangereuse forme de rapports entre États, soit les actes de belligérance et la guerre.

C'est en 1899, soit il y a 100 ans, et de nouveau en 1907, ou il y a moins de 100 ans, qu'ont été codifiés à partir du droit coutumier les premiers traités multilatéraux de vaste portée concernant le comportement des belligérants, ce qu'il est convenu d'appeler les Conventions de Genève. Elles fixent des règles concernant la belligérance et, plus particulièrement, le traitement des prisonniers de guerre et des civils et, encore plus expressément, la protection des personnes neutres. Même ces principes sont fondés sur des précédents coutumiers. Au tournant du siècle, les Américains entretenaient l'obsession, ou à tout le moins la préoccupation, de protéger leur neutralité des caprices des intrusions ou des guerres européennes. La doctrine Monroe, étendue par Theodore Roosevelt à l'Extrême-Orient, dominait la scène. L'initiative des États-Unis, qui a abouti à la Convention de Genève, était fondée sur leur désir de protéger leur neutralité.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'être bien clair. Faisons la distinction entre les questions de droit international privé et celles de droit international public. Le droit international privé s'applique aux échanges commerciaux et est différent du droit international public.

Certains disent qu'on peut démystifier le droit international en quelques mots: le droit international limite l'État. Il restreint la sphère d'influence d'un État quant à ses pouvoirs à l'étranger et, plus précisément en Europe, surtout depuis les accords d'Helsinki de 1975, il établit les règles de conduite des États à l'intérieur de leurs frontières. Les sénateurs se souviendront que les accords d'Helsinki assuraient l'inviolabilité des frontières en échange de l'application plus stricte, sur leur territoire, des principes en matière de droits de la personne. On devait respecter les droits des minorités et les traiter de manière égale. Autrement dit, au cours de la période soviétique, pendant la guerre froide, l'empire soviétique avait accepté de s'engager aux termes des accords d'Helsinki et d'obtenir ainsi l'inviolabilité de ses frontières en échange de l'application de principes supérieurs de respect des droits de la personne à l'intérieur de ses frontières.

L'ancienne république de Yougoslavie, maintenant République fédérative de Yougoslavie, a signé les accords d'Helsinki.

Le droit international a pour objet la réglementation des activités des États pour qu'elles se conforment à certaines normes. Nous devons remarquer que le droit coutumier découle de la common law anglaise. Tandis que la common law anglaise établit en détail les principes pratiques, le droit coutumier international varie, la plupart du temps, parce que les intérêts des États sont souvent différents. Pourtant, cette difficulté plutôt étrange se règle tranquillement par une intégration croissante due aux traités multilatéraux que les États concluent librement. En droit international, l'incertitude n'est pas nécessairement une critique. Les lois sont libellées en termes généraux, tandis que les faits ne sont jamais généraux.

Les États allèguent toujours que la règle du droit international est tributaire de questions «politiques» de souveraineté. Je me permets d'insister sur la thèse de la souveraineté politique, qu'on invoque souvent. Par exemple, dans l'Allemagne nazie, la Cour suprême d'Allemagne avait jugé que l'émission d'un certificat de naissance ou d'un permis de taxi à un juif était un acte politique. Ce qu'on qualifiait de question politique à cette époque était en réalité hors du champ de compétence du droit allemand et n'aurait donc pas dû relever de la juridiction des tribunaux nationaux allemands. On avait alors allégué des «intérêts politiques vitaux» supérieurs de l'État qui permettaient un écart par rapport au droit national en vigueur.

Quand les intérêts de l'État pouvaient être définis comme une question «d'intérêt politique» ou «d'intérêt vital», la question échappait au droit et devenait une question de «souveraineté politique». Comme l'a fait remarquer Brierly en 1944, la théorie politique qui définit...

[...] les intérêts vitaux de l'État comme étant politiques [...]

- est -

[...] dépassée même si elle continue à être défendue avec indécence.

Par conséquent, les souverainistes prétendent que le droit international est facultatif. Selon eux, le droit international cède le pas aux intérêts vitaux ou aux intérêts politiques et à la souveraineté; le respect des normes et des traités internationaux n'est donc ni obligatoire, ni inconditionnel, ni même mutuel.

Fait intéressant, il fut un temps où la reconnaissance légale d'un État, soit la reconnaissance de jure par opposition à de facto, reposait uniquement sur le jugement ou l'évaluation faite par d'autres États relativement à la convergence entre un État naissant et un groupe donné qui, avec l'appui de la population, pouvait exercer son contrôle et son autorité sur un territoire donné. L'idée de l'«autodétermination» lancée à la fin du siècle dernier par Wilson est au centre de ce principe. Toutefois, et particulièrement depuis 1975 et les accords d'Helsinki, les États qui veulent devenir membres d'une organisation européenne multilatérale comme le Conseil de l'Europe ou l'OSCE doivent accepter les codes internationaux de conduite humaine et s'y conformer. Ces codes incorporent le droit conventionnel: traitement humain des citoyens, respect des droits des deux sexes, respect des droits des minorités et tout un éventail de caractéristiques supplémentaires. En résumé, depuis les accords d'Helsinki, l'adhésion aux normes démocratiques, y compris l'élection libre d'une assemblée législative, est en train de devenir une condition sine qua non de la reconnaissance de jure d'un État. Un État doit donc se conformer aux normes internationales de conduite démocratique pour pouvoir jouir des fruits de l'appartenance à la famille des États démocratiques. Le temps ne me permet pas d'en dire plus long sur cette évolution spectaculaire du droit international. Il ne fait aucun doute que la pratique qui s'est établie au fil des ans et qui a été renforcée par les conventions internationales veut que la souveraineté d'un État ne soit pas reconnue si ce dernier ne fait pas la preuve, en théorie et en pratique, de son attachement à ces normes internationales de conduite, consacrées en droit, à l'égard de ses «citoyens» projetés ou existants. Par exemple, pour devenir membre de l'Union européenne, il faut satisfaire à un ensemble précis de préconditions. Telle est, en résumé, la nature du débat sur Cuba et le dynamisme futur de l'Organisation des États américains: l'adhésion aux normes démocratiques internationales en matière de droits de la personne est une condition de l'appartenance aux organisations internationales et, partant, de l'acceptation de la communauté des nations.

Honorables sénateurs, lorsqu'il est question de guerre, de «guerre juste», il est clair que le droit international limite la liberté des États de recourir à la guerre. Comme cela a été mentionné plus tôt, ce sont des théologiens catholiques et des canonistes qui ont créé la doctrine qui découle de saint Augustin, de saint Thomas et d'Ignace Loyola et qui dit que la guerre peut être «juste» à certaines conditions. Les canonistes ont tiré cette doctrine du monde éthique et juridique.

La justification des «motifs justes» n'a pas changé depuis des siècles. On peut invoquer un «motif juste» pour faire une «guerre juste» pour trois raisons différentes: la légitime défense, la récupération de biens volés ou la répression des actes délictueux commis par un État. La sanction ultime et «légitime» pour faire respecter la loi était «une guerre juste pour un motif juste». Manifestement, cette doctrine présentait des problèmes. Elle nécessitait une appréciation des faits pour déterminer quel camp était «juste».

(1830)

Il fallait fournir des preuves que la justification était la primauté du droit chaque fois qu'une société, un État ou un groupement d'États s'organisait collectivement pour recourir à une guerre punitive au nom d'un «motif juste». Il fallait prouver le «motif juste». Son scepticisme face à la justification des «guerres justes» n'a pas quitté Grotius, nous a-t-on dit. Il a donc conclu sans conviction que le droit international reposait sur la confiance en la «conscience» des États qui le faisait respecter, ce qui constitue une justification assez ténue.

Comme l'a très justement fait remarquer Brierly:

La tentative de faire la distinction entre ce qui est «légal» et ce qui est «illégal» a toujours eu un côté irréaliste.

En effet, les États qui font respecter le droit international sont contraints d'établir légalement le bien-fondé de leur «motif juste» pour entrer en guerre. Chaque cas doit être étudié selon les faits et filtré par le droit international coutumier et classique.

Bien qu'il soit toujours difficile d'établir le fondement légal pour recourir à la guerre, une fois qu'une guerre éclate, les deux camps sont également tenus de limiter leur liberté d'action à l'égard des gens non armés, des blessés, des soldats ou des citoyens de pays neutres. Examinons donc un peu plus attentivement les actions de l'OTAN.

Il existe deux arguments contre l'intervention de l'OTAN. Premièrement, les Nations Unies ne l'ont pas sanctionnée par une résolution du Conseil de sécurité. Deuxièmement, l'OTAN a peut-être outrepassé sa propre charte en tant qu'alliance créée à titre purement défensif. Ceux qui défendent cet argument prétendent qu'il s'agissait d'une intervention menée en dehors des frontières d'un État membre de l'OTAN. Cette intervention vigoureuse menée à l'extérieur des frontières d'un État membre de l'OTAN en représailles contre la conduite interne d'un État limitrophe est donc contraire à la doctrine de la souveraineté des États et à la Charte de l'OTAN.

Quant à la partie contre laquelle cette intervention a été menée, la République fédérale de Yougoslavie, ses atteintes au droit international sont incontestables. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Je rappelle aux honorables sénateurs que même la République fédérale de Yougoslavie a approuvé certaines résolutions des Nations Unies dont elle n'a pas tenu compte. Je vous citerai quelques exemples d'infractions de la République fédérale de Yougoslavie au droit international coutumier et classique, sous le gouvernement Milosevic. La liste est longue, mais je citerai plusieurs conventions que ce pays a enfreintes: la Charte des Nations Unies de 1945; la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1949; la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1951; la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1953; le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques de 1966; la Convention internationale des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1969; l'accord d'Helsinki de 1975; la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979; la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples à la paix de 1984; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984; le Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe de 1989.

Honorables sénateurs, la République fédérale de Yougoslavie a aussi enfreint diverses résolutions des Nations Unies. Je vais vous donner les dates. En bref, il est question de la résolution 1244 (1999) déposée au Sénat le 10 juin par le sénateur Kinsella et débattue le même jour. Cette résolution adoptée par le Conseil de sécurité sanctionne l'envoi d'une mission de maintien de la paix au Kosovo. Je cite:

Rappelant ses résolutions 1160 (1998) du 31 mars 1998, 1199 (1998) du 23 septembre 1998, 1203 (1998) du 24 octobre 1998 et 1239 (1999) du 14 mai 1999...

Cette liste est loin d'être exhaustive, honorables sénateurs. Il existe également à l'OSCE, au Conseil de l'Europe et dans d'autres organisations régionales internationales des résolutions de ce genre qui condamnent les actions de la République fédérale de Yougoslavie dans le dossier du Kosovo.

Pour établir mes affirmations sur un fondement juridique plus élaboré, je me base sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée en 1951. La République fédérale de la Yougoslavie est un pays signataire de cette convention. Même si elle ne l'était pas, cette convention est universellement acceptée comme un document qui établit des principes de droit international.

L'article I prévoit que:

Les parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir.

Je souligne les mots «prévenir et punir».

L'article II prévoit que:

Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:

a) Meurtre de membres du groupe;

b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
Honorables sénateurs, tous ces manquements à la Convention de Genève ont été constatés au Kosovo.

Honorables sénateurs, je passe maintenant au grand juriste H. Lauterpacht, qui a révisé en 1955 un traité préparé en 1912 par L. Oppenheim et intitulé International Law: A Treatise. Il s'agit de l'ouvrage de Lauterpacht intitulé Revision of Oppenheim, un classique du droit international. Lauterpacht affirme notamment:

Comment se fait-il alors que bien que les particuliers ne soient généralement pas soumis au droit des gens, ils ont certains droits et obligations en vertu du droit international?

Ce savant auteur de grande renommée fait valoir qu'à l'époque, il n'était pas généralement accepté que les individus, contrairement aux États, puissent avoir droit à une protection. Les États traitaient avec d'autres États et non pas avec les individus. Ce revirement de position est à la base de nombreuses dispositions relatives aux droits de la personne. Selon Lauterpacht:

La Charte des Nations Unies et sa reconnaissance répétée «des droits de la personne et des libertés fondamentales» a probablement inauguré une orientation nouvelle et décisive relativement à l'éternel problème du droit et du gouvernement. Dans certains cas, par exemple celui de la Convention européenne des droits de l'homme, cette nouvelle tendance est à l'origine de règles explicites qui lient légalement les États.

Honorables sénateurs, d'après le droit international conventionnel, sans parler du droit international coutumier, il est clair qu'au Kosovo, les organisations internationales sont venues à des conclusions individuellement et collectivement. Collectivement, elles ont adopté des résolutions citant des violations explicites des conventions, traités, résolutions et coutumes du droit international.

Toutefois, le fait de dire que les Nations Unies constituent l'arbitre exclusif des actions internationales et que seul cet organisme peut légitimer l'emploi de la force même à l'appui de son propre mandat défie la légitimité du droit international.

Un exemple évident, comme je le signalais la semaine dernière, est celui des refuges sûrs de Srebrenica, que les Nations Unies ont proclamés et qui ont amené des milliers de personnes innocentes à croire qu'elles étaient protégées par le droit international sous la bannière des Nations Unies. Elles ont payé cette confiance de leur vie. Les Nations Unies n'ont pas fait respecter leurs propres refuges sûrs. L'ONU a violé l'obligation qu'elle avait, en vertu de sa propre charte et de résolutions adoptées par son Conseil de sécurité, de protéger la vie de personnes innocentes.

L'ONU n'a pas su faire respecter ses propres résolutions nombreuses et «justes». De plus, elle n'a pas défendu ses refuges sûrs. Cet échec a directement conduit à la politique d'épuration ethnique de la République fédérale de Yougoslavie au Kosovo. En vertu du droit international, rien n'empêche des États souverains d'agir collectivement pour appliquer des sanctions ou des conventions des Nations Unies. Des violations du droit international claires, incontestées, insignes et graves sont en cause. Les États démocratiques ont le droit, en vertu du droit coutumier, d'appliquer ces principes de droit international et le droit conventionnel ne les empêche pas de le faire.

À mon avis, le droit international ne comporte aucune interdiction à cet égard. Il est prudent, pour les États qui ont recours à la force, d'obtenir l'autorisation des Nations Unies, ce qu'ils ont effectivement tenté de faire. On sait que l'ONU a été paralysée par la menace de veto de la Russie et de la Chine, qui n'avaient aucun intérêt politique, voire stratégique, à permettre un appui énergique des sanctions des Nations Unies.

(1840)

Oui, il serait prudent que les États qui recourent à la force demandent l'approbation des Nations Unies. Ce serait prudent comme condition préalable ou comme condition résolutoire.

Le sénateur Kinsella a souligné que la question est peut-être functus, car si on examine la résolution 1244 des Nations Unies, on voit qu'elle ratifie assez explicitement des interventions ex post facto de l'OTAN au Kosovo. Cependant, ce n'est pas à cette question que le Sénat doit répondre. La question est celle-ci: l'intervention de L'OTAN était-elle illégale à ce moment-là? Par souci de prudence, il est manifestement préférable, dans l'intérêt de la règle du droit international, que les Nations Unies adoptent des sanctions permettant le recours à la force. Il s'agit d'une question de prudence, et non de nécessité, de même qu'une question de crédibilité, et non de droit international.

Quant à savoir si l'OTAN a outrepassé sa propre charte, là encore, il s'agit d'une question de prudence et non de légalité. Dix-neuf pays, tous membres de l'OTAN et maîtres de la Charte de l'OTAN, ont convenu à l'unanimité que la Charte de l'OTAN et ses membres étaient menacés par les actions du gouvernement de Milosevic au Kosovo. La Hongrie, l'Italie et d'autres pays adjacents étaient menacés d'être inondés par un flot énorme de réfugiés. Selon les estimations - ces chiffres ne sont pas exacts - entre un et deux millions de personnes se déplacent actuellement à l'intérieur et à l'extérieur de la Yougoslavie par suite de la purification ethnique.

Il est vrai que le gouvernement Milosevic n'est pas seul responsable de cette purification ethnique, mais il est clair que, au Kosovo, il l'est. Dix-neuf pays démocratiques ont décidé à l'unanimité de défendre ce que le chancelier Schroeder d'Allemagne a décrit comme le «jardin de l'OTAN». Si on n'était pas intervenu pour mettre fin aux actes du gouvernement serbe, il y aurait eu menace réelle à la stabilité des frontières de l'OTAN.

Honorables sénateurs, ceux qui prétendent que l'intervention de l'OTAN est illégale n'ont pas tenu compte de ces faits. Ils n'ont pas tenu compte non plus du droit coutumier, du droit conventionnel ni des précédents. Le temps ne me permet pas de traiter à fond de ces précédents. J'espère pouvoir, peut-être, donner des réponses au cours du débat.

Permettez-moi de conclure en disant que les intérêts vitaux des États démocratiques, de tous les États, sont en cause lorsqu'il s'agit de reconnaître et de défendre le droit à un traitement humain des personnes, leur permettant de choisir librement leur voie dans une société civile selon les normes du droit international. C'est là un des grands principes qui sous-tendent la légitimité de tout État. L'OTAN est venue au secours du droit international, qui était bafoué par un comportement inadmissible. Honorables sénateurs, le droit international a été secouru par le droit international.

(Sur la motion du sénateur Roche, le débat est ajourné.)

L'Association parlementaire Canada-Europe

Rapport de la délégation dépêchée à la deuxième partie de la session de 1999 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe-Interpellation

L'honorable Lorna Milne, ayant donné avis le 8 juin 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur le rapport de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe à la deuxième partie de la session de 1999 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue du 26 au 30 avril 1999, à Strasbourg, en France.

- Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour vous entretenir brièvement de mon séjour d'avril à Strasbourg, en France, où j'ai assisté à la deuxième session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Notre délégation, sous la conduite d'Aileen Carroll, se composait de sept parlementaires: moi-même, le sénateur Grimard, Raymonde Folco, Louise Hardy, Francine Lalonde et Gary Lunn. M. John Noble, ambassadeur du Canada en Suisse et au Liechtenstein et observateur permanent du Canada au Comité des ministres du Conseil de l'Europe, s'est joint à nous à Strasbourg.

À titre d'observateurs officiels, les membres de la délégation canadienne ont participé entièrement à tous les aspects de cette session. Ils ont notamment participé aux travaux des groupes politiques et des commissions. La délégation est aussi intervenue dans trois débats pléniers distincts. L'assemblée a particulièrement apprécié l'intervention principale de Mme Carroll au sujet du Kosovo et le discours touchant de Mme Hardy sur les problèmes liés au retour des réfugiés en Croatie.

La Commission des questions juridiques et des droits de l'homme a tenu quatre rencontres durant la semaine. Les principaux sujets de discussion ont été l'autorité juridique du Conseil de l'Europe, un projet de rapport de Lopez-Henares sur le terrorisme dans les démocraties européennes et un projet de rapport sur le Tribunal pénal international. La commission a aussi discuté de la possibilité de créer une commission spéciale sur les droits des minorités nationales et a commencé à étudier le projet de rapport intitulé: «Projet de Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine».

Cette commission a aussi analysé en profondeur un projet de rapport sur la situation des réfugiés et des personnes déplacées retournant en Croatie. Une déléguée des Pays-Bas, Hanneke Gelderblom-Lankhout, a présenté un compte rendu troublant de la situation des réfugiés retournant chez eux, en Croatie. Le rapport a été adopté et présenté à l'Assemblée parlementaire. Ce débat m'a intéressée tout particulièrement puisqu'une bonne partie de la session du Conseil de l'Europe à laquelle j'avais assisté en septembre dernier portait sur la crise imminente au Kosovo.

La majeure partie du débat et des échanges informels durant la session étaient encore une fois centrés sur la terrible situation au Kosovo et sur le sort des réfugiés et des personnes déplacées. Vu qu'un accord de paix a officiellement été conclu, il est terriblement important d'aller au-delà du type de règlement dicté par l'accord de Dayton et de tirer leçon de ses erreurs. Espérons qu'un jour, le Kosovo redeviendra une région paisible et multiculturelle, comme elle l'était avant que Milosevic ne commence à délibérément provoquer la haine ethnique et religieuse, dans son propre intérêt politique. Je crains cependant que la haine ainsi suscitée ne prenne beaucoup de temps à disparaître. Comme nous l'avons vu dans les journaux d'hier et d'aujourd'hui, la haine se porte maintenant sur l'OTAN et l'ONU dans cette région.

Je voudrais insister sur le fait qu'un des aspects les plus intéressants d'un voyage comme celui-ci, c'est qu'il permet de constater combien le Canada est respecté et écouté à l'échelle internationale. Comme c'était la deuxième fois que j'allais à Strasbourg, il m'a été beaucoup plus facile d'échanger des points de vue et de faire bonne impression. Les autres délégués commencent à vous reconnaître en tant que Canadiens et à vous inviter à contribuer aux rapports émanant des divers comités et à participer aux débats.

Honorables sénateurs, je crois que le Conseil de l'Europe, qui est considéré par beaucoup comme la conscience de l'Europe, est une tribune propice aux échanges d'idées et aux gestes concrets de la part des gouvernements européens.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre honorable sénateur ne souhaite prendre la parole, l'interpellation sera considérée comme débattue.

[Français]

Examen de la politique canadienne antidrogues

Motion autorisant la formation d'un comité sénatorial spécial-Ajournement du débat

L'honorable Pierre Claude Nolin, conformément à l'avis du 2 juin 1999, propose:

Qu'un comité spécial du Sénat soit formé afin de réévaluer les lois et les politiques canadiennes antidrogues, de consulter abondamment la population canadienne pour déterminer les besoins spécifiques des différentes régions du pays plus particulièrement là où les problèmes sociaux liés au trafic et à l'usage de drogues illicites sont plus manifestes, d'élaborer des propositions pour diffuser toute information relative à la politique canadienne antidrogues et, enfin, de produire des recommandations pour en arriver à l'adoption d'une stratégie antidrogues développée par et pour les Canadiens encourageant tous les paliers de gouvernement à travailler en étroite collaboration à la réduction des méfaits liés à la consommation de drogues illicites.

Sans que ce qui suit ait pour effet de restreindre son mandat, que le comité soit autorisé à:

  • réexaminer l'approche adoptée par le gouvernement fédéral pour combattre la consommation de drogues illicites au Canada, son efficacité comme moyen de réduire les effets consommation de stupéfiants et la mesure dans laquelle son application est juste;
  • élaborer une politique nationale de réduction des méfaits afin d'atténuer les impacts négatifs de la consommation de drogues illicites au Canada et faire des recommandations sur la façon d'appliquer cette politique, notamment la possibilité de considérer avant tout l'usage et l'abus de drogues comme un problème socio-sanitaire;
  • étudier les modèles de réduction des méfaits adoptés par d'autres pays (programmes de traitements et programmes parallèles destinés aux usagers de drogues illicites) et déterminer, s'il y aurait lieu, de les appliquer partiellement ou intégralement, au Canada;
  • examiner le rôle et les obligations internationales qui incombent au Canada en vertu des conventions des Nations Unies sur les stupéfiants et de la Déclaration universelle des droits de l'homme afin de déterminer si ces conventions l'autorisent à prendre des mesures autres que les poursuites criminelles et la pénalisation des contrevenants;
  • explorer les effets du cannabis sur la santé et étudier la question de savoir si la décriminalisation du cannabis conduirait à une augmentation de l'usage et de l'abus à court et à long terme;
  • étudier la possibilité que le gouvernement use du pouvoir de réglementation que lui confère la Loi sur les contraventions comme moyen supplémentaire d'appliquer une politique de réduction des méfaits comme il est d'usage dans certains pays d'Europe;
  • étudier toute autre question relative à la politique canadienne antidrogues que le comité juge appropriés pour accomplir son mandat.
Que le comité spécial soit composé de huit sénateurs et que le quorum soit de quatre membres;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et de produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autres et de faire imprimer au jour le jour documents, mémoires et témoignages selon les instructions du comité;

Que les mémoires reçus et les témoignages entendus lors de l'examen du projet de loi C-8, Loi portant sur la réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles durant la deuxième session de la trente-cinquième législature soient déférés au comité;

Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers (recherchistes, avocats, médecins spécialistes, intervenants auprès des utilisateurs de drogues, et cetera), techniciens, informaticiens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour son étude;

Que le comité soit habilité à autoriser, s'il le juge opportun, la radiodiffusion, la télédiffusion et la diffusion par le biais des médias électroniques de la totalité ou d'une partie de ses délibérations et des informations qu'il détient;

Que le comité soit autorisé à voyager à l'intérieur et à l'extérieur du Canada;

Que le comité soit autorisé à siéger pendant les ajournements du Sénat en vertu du paragraphe 95(2) du Règlement du Sénat;

Que le comité présente son rapport final au plus tard deux ans après la date de sa création, et;

Que le comité soit autorisé à continuer d'exister après la date prévue pour la fin des travaux pour informer les membres du Sénat et de la Chambre des communes, la population canadienne ou toute autre personne ou association intéressée à ses travaux pour diffuser les conclusions et les recommandation du comité par le biais de communiqués de presse, de conférence de presse, de séances d'informations ou toute autre activité que les membres du comité jugeront appropriée dans les circonstances du moment.

- Honorables sénateurs, avant d'amorcer le débat sur ma motion, je désire immédiatement faire un amendement.

Le 2 juin dernier, après le dépôt de ma motion, on m'a informé qu'il me fallait modifier cette motion en y retranchant les paragraphes 6 et 8, afin qu'elle soit conforme au Règlement du Sénat.

(1850)

Je dois comprendre que Son Honneur peut être autorisé, avec l'aval du Sénat, à modifier le texte d'une motion. Il s'agit des paragraphes qui se lisent comme suit:

Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers (recherchistes, avocats, médecins spécialistes, intervenants auprès des utilisateurs de drogues, et cetera), techniciens, informaticiens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour son étude;

Et le paragraphe qui se lit comme suit:

Que le comité soit autorisé à voyager à l'intérieur et à l'extérieur du Canada;

Je fais cette motion d'amendement parce que je suis allé un peu trop vite. Au cours d'un deuxième débat, je ferai une requête qui s'applique à ces deux paragraphes au Comité de la régie interne.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Nolin demande la permission du Sénat d'éliminer du texte de sa motion les deux paragraphes qu'il vient de lire. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, je vous demande la permission d'utiliser plus des 15 minutes qui me sont allouées.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de cette motion telle qu'amendée.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Nolin propose, appuyé par l'honorable sénateur LeBreton, l'adoption de la motion telle qu'amendée. Êtes-vous d'accord que l'on dispense de la lecture de la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, le 19 juin 1996 - je fais cette précision parce que certains d'entre vous n'étiez pas ici à ce moment-là, et c'est pour cela que mon introduction fait référence à un débat que nous avons eu il y a trois ans -, au cours du dernier débat à l'étape de la troisième lecture au Sénat du projet de loi C-8, Loi réglementant certaines drogues et autres substances, lors de la deuxième session de la trente-cinquième législature, j'ai fortement critiqué le refus de tous les gouvernements antérieurs, et pas uniquement du gouvernement qui avait introduit cette mesure, d'envisager une étude sérieuse des lois antidrogues canadiennes.

À l'époque, j'avais affirmé qu'il s'agissait presque d'un aveuglement volontaire. Je ne parlais pas uniquement des honorables sénateurs, mais aussi des députés dans l'autre Chambre. Selon moi, cet aveuglement a amené les gouvernements successifs, de quelque parti politique qu'ils soient, à ne jamais considérer l'usage des drogues au Canada comme étant une question de santé publique mais bien comme une matière criminelle. Mon avis sur cette délicate question n'a pas changé.

L'industrie des drogues illégales dans le monde réalise un chiffre d'affaires annuel de 400 milliards de dollars américains. Ces revenus alimentent le crime organisé, concourent à la corruption des gouvernements dans plusieurs pays, contribuent à la violence et favorisent le développement économique parallèle.

Dans plusieurs régions du monde, la lutte contre la drogue provoque indirectement la propagation des infections comme le virus immunodéficient, le VIH, la violation des droits de l'homme, la dégradation de l'environnement et l'incarcération en masse de personnes reconnues coupables de simple possession.

Comme vous le constaterez à la lecture du document qui vous a été remis ou qui vous sera remis incessamment - c'est un document de référence qui vise à parfaire les connaissances de ceux qui voudront participer au débat -, un nombre croissant de pays ont renoncé à la lutte contre la drogue à cause de ses effets négatifs. Cependant, le Canada, en 1996, a adopté une loi prohibitionniste dont les dispositions criminelles semblent aller à l'encontre des chartes canadiennes et internationales des droits de la personne.

Dans un premier temps, examinons la situation au Canada. Les méfaits et les coûts indirects de la drogue dépassent de beaucoup ses méfaits et ses coûts directs. Sans commune mesure avec le niveau de consommation, ils résultent non de la drogue elle-même, mais de lois et d'orientations politiques répressives. Les principaux méfaits touchent les populations à risque comme les autochtones, les jeunes de la rue, les habitants des quartiers pauvres et les utilisateurs de drogues consommées par injection.

Permettez-moi, honorables sénateurs, d'élaborer sur chacun de ces quatre groupes d'individus, de Canadiens à risque.

Chez les autochtones, l'alcoolisme et la toxicomanie sont des fléaux. Selon les localités, de 65 à 80 p. 100 des habitants sont touchés par ces problèmes. Les principales causes de décès parmi les Amérindiens et les Inuits sont les blessures et l'empoisonnement. Les cas de mort violente sont de trois à quatre fois plus nombreux que dans la population en général. Les décès où l'alcool ou la drogue jouent un rôle déterminant sont cinq fois plus nombreux chez les autochtones que chez les non-autochtones. Deux tiers des autochtones qui meurent de mort non naturelle ont de l'alcool dans le sang, comparé à 45 p. 100 chez les non-autochtones.

Nous pouvons faire deux constats. D'une part, le taux de suicide chez les enfants autochtones de la Saskatchewan est de 27,5 fois plus élevé que chez les autres enfants canadiens. D'autre part, les jeunes autochtones ont de deux à six fois plus de chance d'avoir un problème d'alcool que leurs concitoyens du reste de la population. Voici, honorables sénateurs, deux constats qui peuvent peut-être expliquer le désespoir de ceux et celles qui leur survivent.

Les enfants de la rue constituent un deuxième groupe à risque. Ceux-ci subissent aussi le contrecoup de l'usage des drogues illicites. Plusieurs adolescents quittent la maison pour échapper à la violence physique, psychologique ou sexuelle ou encore à la négligence de leurs parents. Une fois dans la rue, ils adoptent des comportements à risque, dont l'abus des drogues illicites et le partage des seringues.

Une étude nationale menée en 1989 nous révélait qu'un enfant de la rue sur quatre consommait du cannabis quotidiennement, 4 p. 100 de la cocaïne et 4 p. 100 du LSD. Il ressort d'une étude récente, presque 10 ans plus tard, que la moitié des enfants de la rue à Montréal se piquent, et que le suicide et la surdose les frappent durement. Ils ont 12 fois plus de chances de mourir que leur pairs.

Les habitants des quartiers pauvres sont eux aussi à risque. Ceux-ci, dans les grandes villes canadiennes, sont aussi victimes des méfaits de l'usage des drogues illicites. Par exemple, à Vancouver, un état d'urgence-santé a résulté en une augmentation rapide des cas d'infection par le VIH chez les utilisateurs de drogues par injection, et ce plus précisément dans le quartier de Vancouver-Est, où le taux de prévalence de cette infection est passé de 20 p. 100 en 1997 à 35 p. 100 en 1998. En moins d'un an, il s'agit malheureusement d'un record mondial.

(1900)

En outre, c'est à Vancouver qu'il y a le plus de décès par surdose au Canada, leur nombre s'élevant à plus de 300 en 1998 et à plus de 2 000 depuis 1991. Ces taux d'infection et de toxicomanie sont liés à la pauvreté et aux perturbations sociales dans le centre-ville de Vancouver.

L'utilisation de drogues par injection pose un risque direct d'infections causées par le VIH et d'autres virus, par exemple l'hépatite, par suite du partage de seringues contaminées. L'absorption de drogues par d'autres modes que des piqûres pose un risque indirect dans la mesure où elle peut conduire à des relations sexuelles non protégées et à la consommation de drogues par injection. Le taux d'incidence, c'est-à-dire le taux de nouvelles infections par le VIH, dans certaines villes canadiennes, est très élevé. Il est de 10 p. 100 à Vancouver, soit le plus élevé dans le monde occidental, et de 7 p. 100 à Montréal et à Ottawa. Il est plus élevé encore dans certaines régions du pays, notamment parmi les autochtones. L'Organisation mondiale de la santé estime qu'il y a un risque d'épidémie généralisée lorsque le taux d'infection des utilisateurs de drogues par injection atteint 10 p. 100 dans une région donnée.

La situation est tellement grave à Vancouver qu'une motion a été déposée à la fin de l'année 1998 par Libby Davies, la députée néo-démocrate du comté de Vancouver-Est, à la suite de la déclaration, dans sa circonscription, de l'état d'urgence-santé auquel j'ai fait référence un peu plus tôt. Sa motion demande au gouvernement fédéral de collaborer avec les provinces pour entreprendre dans plusieurs grands centres urbains des essais cliniques. Ceux-ci permettront de prescrire de l'héroïne aux opiomanes et d'étayer ces essais de protocoles d'évaluation et d'analyses scientifiques rigoureux, comme cela se fait déjà à des degrés différents en Suisse, au Royaume-Uni et dans certaines villes d'Allemagne et d'Australie. Bientôt, il en sera également ainsi en Espagne.

Honorables sénateurs, examinons maintenant le coût de l'application de la politique canadienne antidrogue. Cette guerre contre la drogue n'a pas seulement des conséquences négatives sur la vie de plusieurs milliers de Canadiens. L'abus de stupéfiants provoque aussi des coûts importants pour notre société. On attribue à la consommation de drogues illicites la mort de 732 Canadiens en 1992, soit 0,4 p. 100 de la mortalité totale au Canada en 1992. Quarante-deux pour cent d'entre eux sont morts de suicide, 14 p. 100 d'empoisonnement par un opiacé, 9 p. 100 d'empoisonnement par la cocaïne, 8 p. 100 du sida contracté par injection intraveineuse. Toujours en 1992, il y a eu 7 100 hospitalisations et 58 000 journées d'hospitalisation causées par la consommation de drogues illicites, dont la moitié par suite d'une psychose occasionnée par une agression ou l'abus de cocaïne.

Examinons maintenant les coûts économiques au Canada. En tout, l'abus de stupéfiants a coûté aux Canadiens plus de 18,4 milliards de dollars en 1992, soit 649 dollars par habitant. Ce montant équivaut à 2,7 p. 100 du produit intérieur brut canadien. Les coûts économiques de la drogue elle-même sont estimés à 1,37 milliard de dollars, soit 48 dollars par Canadien. Ces estimations chiffrent à 823 millions de dollars les pertes de productivité attribuables à la morbidité et à la mort prématurée, à 400 millions de dollars les opérations de répression et à 88 millions de dollars les coûts directs de santé.

Il importe de spécifier que, bien que la drogue soit un facteur dans beaucoup de crimes, son rôle n'est pas clair. Les usagers s'approvisionnent sur un marché lucratif et violent où la criminalité est omniprésente. La consommation de drogues illicites contribue à la criminalité et, de ce fait, aux coûts de répression des crimes qu'elle engendre. Elle est aussi un facteur dans les crimes contre la propriété et les crimes violents commis pour s'assurer le contrôle d'un territoire, comme nous l'avons vu au Québec récemment lors de la violente guerre des motards à Montréal et à Québec.

Le Canada a eu trois occasions de mettre fin en partie aux conséquences individuelles et collectives de la consommation et du trafic de drogues illicites.

Premièrement, en 1969, la Commission d'enquête Le Dain a mené des consultations sérieuses sur les effets négatifs de la politique canadienne antidrogues de l'époque. Comme la majeure partie de ces travaux portait sur l'usage des drogues à des fins non médicales, la commission a constaté que des centaines de milliers de Canadiens reconnus coupables de possession de drogues illicites voyaient leur liberté personnelle entravée pour le reste de leur vie à cause de la présence d'un casier judiciaire.

Elle a aussi conclu que les vastes moyens que la police a mis en oeuvre pour combattre le trafic et la consommation de drogues illicites étaient dirigés principalement contre les jeunes. Face à ce constat, la commission Le Dain recommandait l'abandon graduel des sanctions criminelles contre les usagers, la décriminalisation de l'usage de la marijuana, ainsi que des méthodes de répression autres que le recours à la justice criminelle.

Près de 30 ans ont passé depuis cette période. Pourtant, l'ex- président de la commission, M. Gérald Le Dain, croit toujours que les recommandations de sa commission sont aussi valables qu'en 1971, même si, à cette époque, aucune des recommandations de son rapport ne fut légiférée. Selon cet ex-doyen de la prestigieuse faculté de droit d'Osgoode Hall de l'Université de Toronto, juge à la Cour suprême du Canada, les politiciens doivent porter seuls le blâme de ne pas avoir pris d'initiatives au début des années 70 dans ce dossier. En 1998, M. Le Dain, dans une entrevue au quotidien Edmonton Sun, affirmait, et je cite:

[Traduction]

C'était une question épineuse pour tous les partis, et ils ne voulaient courir aucun risque. Les politiciens ont préféré ne rien faire. Les audiences ont permis de voir que les gens s'inquiétaient pour leurs enfants. La population considérait ces lois comme une énorme injustice.

[Français]

Un projet de loi visant à décriminaliser la possession de cannabis, le projet de loi S-19, a été rejeté en 1975. Au cours des années 70, les condamnations pour possession de cannabis sont passées de moins de 1 000 à plus de 40 000 par année.

Deuxièmement, en 1978-1979, un rapport de Santé Canada, tenu secret jusqu'à la fin de l'année dernière, recommandait au gouvernement fédéral de décriminaliser l'usage de la marijuana, mais ce dernier, vous vous en doutez, est demeuré sur les tablettes du ministère.

Avec l'avènement, dans les années 90, d'une nouvelle loi sur les stupéfiants, on aurait pu régler certains des problèmes des lois précédentes et tirer profit de l'expérience d'autres pays. Cependant, la nouvelle Loi réglementant certaines drogues et autres substances était fondamentalement prohibitionniste et, loin d'aborder le sujet de la drogue avec ouverture, elle renforçait la prohibition.

Les problèmes découlant de la criminalisation des consommateurs de drogues, de ses coûts économiques et sociaux et de la non-diminution de l'offre n'ont pourtant pas encore été réglés. Par conséquent, les coûts tant humains que financiers engendrés par la consommation de drogues illicites demeurent inutilement élevés, tandis que les coûts suscités par la criminalisation de l'usage des drogues illicites continuent d'augmenter de façon régulière, prévisible mais évitable.

Quant à ma motion du 2 juin dernier, honorables sénateurs, surtout à la lecture du document qui vous a été distribué, vous conviendrez que cette situation est intolérable.

(1910)

Elle ne peut continuer indéfiniment. C'est pourquoi, le 2 juin dernier, j'ai déposé devant cette Chambre une motion demandant qu'un comité spécial du Sénat soit formé afin de réévaluer les lois et les politiques canadiennes antidrogues. L'objectif sera de consulter abondamment la population canadienne pour déterminer les besoins spécifiques des différentes régions du pays, plus particulièrement là où les problèmes sociaux liés au trafic et à l'usage de drogues illégales sont les plus manifestes. Il aura aussi pour but d'élaborer des propositions pour diffuser toute l'information relative à la politique canadienne antidrogues et enfin, de produire des recommandations pour en arriver à l'adoption d'une stratégie antidrogues pancanadienne encourageant tous les paliers de gouvernement à travailler en étroite collaboration à la réduction des méfaits liés à la consommation de drogues illicites.

Je voudrais maintenant aborder avec vous le rapport du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, ce rapport sur le projet de loi C-8 auquel j'ai fait référence tout à l'heure. Le 13 juin 1996, le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur le projet de loi C-8, Loi réglementant certaines drogues et autres substances, était déposé par la présidente du comité, l'honorable sénateur Sharon Carstairs. Dans ce rapport, les membres du comité, dont moi-même, apportaient certains amendements au projet de loi C-8. Dieu merci, nous avons réussi à permettre la culture du chanvre industriel au Canada. Cela a pris tout un débat à la Chambre des communes et tout un débat au Sénat pour finalement comprendre que nous étions un peu idiots de continuer à perpétuer cette interdiction qui n'a absolument rien à voir avec le chanvre indien, auquel on fait référence lorsqu'on parle de marijuana. Cela montre jusqu'à quel point nous avions, et j'espère que nous ne les avons plus, ces problèmes, préjugés et mythes auxquels je ferai référence maintenant.

Dans ce rapport, le membres du comité apportaient certains amendements au projet de loi C-8, au terme d'une étude de plus de trois mois, mais surtout, ils soulignaient qu'il était indispensable pour mener à terme l'examen des principes et des dispositions de ce projet de loi, de suppléer aux informations déficientes, d'ordre technique, moral ou sociologique fournies par les représentants des ministères de la Justice, de la Santé et des divers organismes impliqués dans la détermination de la politique canadienne de contrôle des stupéfiants.

Pour combler cette lacune, le rapport du comité proposait donc qu'un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes soit créé afin d'examiner toutes les lois, les politiques et les programmes canadiens antidrogues. La première partie du texte de ma motion reprend exactement les recommandations du comité concernant le mandat qu'il aura à accomplir.

Comme vous avez pu le constater, aucun comité du Sénat ou de la Chambre des communes n'a été mis sur pied depuis le dépôt de notre rapport pour répondre aux préoccupations légitimes des membres du Sénat. La population canadienne a aussi besoin d'une information objective et complète sur ce sujet extrêmement complexe. Pourtant, la situation dans ce domaine n'a cessé d'évoluer.

Examinons cette évolution de la situation dans le domaine des drogues illicites. Depuis trois ans, plusieurs études cliniques ont été réalisées pour mesurer scientifiquement les effets physiques et psychologiques de la consommation de cannabis et des traitements de substitution à la méthadone. Ainsi, pour la première fois dans son histoire, le Collège des médecins du Québec s'est prononcé officiellement, en mars dernier, en faveur de l'utilisation du traitement à la méthadone pour réduire les risques d'infection et de propagation du sida et de l'hépatite chez les toxicomanes qui s'injectent de la drogue par voie intraveineuse.

Le 17 mars dernier, un groupe de 11 experts de la prestigieuse National Academy of Science Institute of Medecine des États-Unis a déposé les résultats d'une étude commandée par le directeur des politiques de contrôle des drogues de la Maison-Blanche. Le rapport concluait qu'il existe un potentiel certain pour l'utilisation de la marijuana à des fins médicales. En novembre 1998, sept États américains avaient organisé des référendums lors des élections de mi-mandat pour soumettre à l'approbation de leurs populations respectives des mesures visant à assouplir les règles extrêmement strictes concernant l'usage du cannabis dans le traitement des maladies. Six États, à l'exception du District of Columbia, ont approuvé les mesures proposées.

Le 21 avril dernier, l'Association canadienne des chefs de police a recommandé au gouvernement fédéral de décriminaliser et non de légaliser la possession de petites quantités de stupéfiants, incluant l'héroïne. Ce qui est le plus encourageant, dans la prise de position de l'Association canadienne des chefs de police, c'est qu'elle recommande à la population canadienne et au gouvernement fédéral d'adopter une approche qui traiterait toutes les questions relatives à la consommation abusive de stupéfiants comme un problème de santé publique.

On disait cela il y a trois ans. On disait exactement ces mots il y a trois ans. Finalement, petit à petit, cela avance. Il serait donc impératif, selon cette association, de développer une politique canadienne de contrôle des drogues qui conduirait à la mise au point de traitements répondant au problème réel créé par la consommation de drogues, tant pour la société que pour les toxicomanes. Une telle politique intégrerait une stratégie de réduction des méfaits afin d'éviter d'aggraver le mal en tentant de l'atténuer. Selon les dirigeants de l'Association des chefs de police, le système de justice et la répression ne représentent pas l'unique solution au problème de la consommation de drogues illicites et les ressources dépensées à cet effet seraient mieux utilisées dans la lutte contre le trafic des stupéfiants et le crime organisé. Cette prise de position a été appuyée par la Gendarmerie royale du Canada.

Ces dernières années, plusieurs décisions judiciaires concernant le droit de consommer du cannabis à des fins médicales ont mis à l'épreuve la politique canadienne de contrôle des stupéfiants. Vous connaissez certainement le cas de Jim Wakeford, un résidant de Toronto atteint du sida, qui utilise la marijuana pour calmer ses nausées. Jusqu'à tout récemment, il tentait d'obtenir du ministère de la Santé d'être dispensé des dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ayant trait à la criminalisation de la simple possession de marijuana. Le 11 mai dernier, la Cour suprême de l'Ontario a accordé à M. Wakeford une dispense constitutionnelle aux dispositions de ladite loi lui donnant ainsi le droit de cultiver et de fumer du cannabis à des fins médicales.

De même, en 1997, le juge Patrick Sheppard a acquitté M. Terry un épileptique qui consommait du cannabis à des fins thérapeutiques, des accusations de possession et de culture portées contre lui. Il avait été reconnu coupable de trafic et condamné à un an de liberté surveillée. Dans sa décision, le juge Sheppard a déclaré que la Loi sur les stupéfiants et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances étaient trop larges, inconstitutionnelles et qu'elles violaient la Charte canadienne des droits et libertés.

Tous ces recours judiciaires ne visent pas seulement à contester la loi ni le droit de posséder de la marijuana. Ils tendent aussi et surtout à introduire dans ce débat un élément de compassion et de respect du droit des individus.

Quelques mots sur la motion d'un député bloquiste, M. Bigras, dans l'autre Chambre, une motion qui a été déposée et sur laquelle il y a eu un vote très récemment. Il va sans dire que ces affaires ont soulevé l'intérêt des parlementaires. La motion du député bloquiste de Rosemont, M. Bernard Bigras, demandait au gouvernement fédéral de s'engager à prendre toutes les mesures nécessaires pour légaliser l'usage thérapeutique et médical de la marijuana. Cette résolution a été appuyée par plusieurs associations, dont la Fédération de l'âge d'or du Québec et le Compassion Club de Toronto, qui fournit de la marijuana aux individus atteints de maladies graves et douloureuses. Elle a été adoptée par la Chambre des communes le 25 mai dernier. En réponse au résultat du vote, le ministre de la Santé, l'honorable Allan Rock, a annoncé que le gouvernement fédéral avait l'intention de commencer rapidement des essais cliniques sur les effets thérapeutiques de la marijuana, ce qui pourrait mener au cours des prochaines années à la décriminalisation de l'usage du cannabis pour les personnes atteintes sida, de cancer, d'épilepsie ou de sclérose en plaques. Je pense que nous devons féliciter le ministre d'avoir pris une telle mesure.

(1920)

Quelle est la perception de la population canadienne quant à l'usage des drogues illicites? En dépit de ces récents développements sur l'utilisation des stupéfiants, l'attitude et la perception du grand public a peu évolué dans son ensemble. Les préjugés envers les utilisateurs de stupéfiants demeurent extrêmement puissants. Ces préjugés ne datent pas d'hier. Ils ont débuté en 1908 avec l'adoption, par le Parlement canadien, de la Loi sur l'opium. La nouvelle Loi sur l'opium et les drogues narcotiques de 1911 visait les opiacés et la cocaïne, substances auxquelles s'est ajoutée la marijuana en 1923. Depuis ce temps, la prohibition et la réglementation internationales des stupéfiants décrétées par la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 et la Convention sur les substances psychotropes de 1971 ont encore renforcé les préjugés à l'égard des consommateurs de drogues illicites.

Qui n'a pas entendu dire que ces individus sont des criminels qui commettent des vols pour se procurer de la drogue, qu'ils sont des marginaux dans notre société et qu'il faut donc les emprisonner? On dit aussi qu'il est scandaleux d'organiser des programmes d'échange de seringues et de distribution de produits javellisants dans les établissements carcéraux. Même si l'objectif de ces programmes est d'éliminer la propagation du sida et de l'hépatite parmi les détenus en raison des taux de prévalence alarmants dans le milieu carcéral, une grande partie de notre société refuse d'admettre que la consommation de drogue relève d'un problème de santé. Cette attitude s'explique en partie par la carence de nos gouvernements, quels qu'ils soient, de fournir une information objective sur les effets réels de la consommation de drogue tant sur les individus que dans la société en général.

Il est très étonnant de constater que nos dirigeants, qui, par ailleurs, défendent farouchement leur politique répressive contre les utilisateurs de drogue à coup de colloques et de brochures d'information, ne puissent pas expliquer pourquoi ces politiques ne débouchent pas sur des résultats concrets. Ceux qui, dans le passé, ont osé prôner une approche différente et moins conventionnelle pour traiter ces questions ont vu leur crédibilité mise en doute.

Il est vrai que sans preuves scientifiques, la plupart des gens acceptent ces préjugés. Sur une base quotidienne, ces derniers préjugés sont renforcés par la loi, les tribunaux, les actions policières et les médias. Malgré tout, leur présence tenace n'a pas empêché certains économistes, médecins, avocats, sociologues et politicologues d'étudier sérieusement les méfaits de la consommation des drogues illicites et de la guerre contre ces dernières.

Ils ont remis sérieusement en question plusieurs préjugés de notre société dans ce domaine. Le nombre de recherches élaborées augmente d'année en année. Un consensus solide émerge sur la nécessité de revoir notre politique antidrogues. Dans l'avenir, ces recherches seront tellement poussées qu'elles suffiront peut-être à elles seules à détruire les mythes et préjugés de nos élites politiques, des groupes d'intérêts et de notre société qui militent en faveur des bienfaits de la guerre contre la drogue. Le cas de l'usage de la marijuana est un très bon exemple.

En ce sens, nous assistons à un changement d'attitude en ce qui a trait aux politiques de contrôle des drogues et à leurs résultats. Beaucoup de choses ont changé ces dernières années, et ce, en dépit du fait qu'ils ne disposent pas encore de toute l'information nécessaire pour bien évaluer l'état de la situation. Les Canadiens et les Canadiennes commencent à se rendre compte que les sommes d'argent importantes investies dans la répression de la consommation et du trafic des stupéfiants n'apportent pas les résultats espérés. Ils ont besoin de plus amples informations sur les effets néfastes de la consommation de stupéfiants, sur les expériences menées dans ce domaine dans d'autres pays et sur les solutions de rechange moins coûteuses susceptibles d'assurer la réinsertion sociale d'une tranche de la population qui évolue présentement en marge de cette société.

Pour remédier à cet état de fait et favoriser un débat sain sur toute cette question, j'ai donc demandé à Diane Riley, en septembre dernier, de réaliser une étude approfondie sur l'évolution récente de la politique de contrôle des drogues au Canada. Je puis vous assurer que Mme Riley est l'une des personnes les plus compétentes au Canada sur cette question. Elle jouit également d'une excellente réputation internationale dans ce domaine.

Quand je l'ai rencontrée, je lui ai confié le mandat suivant: dresser le portrait actuel de la consommation des stupéfiants au Canada (notamment parmi les jeunes, les personnes défavorisées et les autochtones) et des coûts économiques et sociaux afférents; expliquer le fonctionnement de la législation relative à l'usage des drogues licites et illicites au Canada; présenter les dispositions des conventions internationales que le Canada doit respecter dans ses propres politiques de contrôle des stupéfiants et vérifier si le Canada répondait directement aux dispositions de ces conventions quand il a modifié sa législation par l'adoption du projet de loi C-8 en 1996, concernant notamment l'usage du cannabis, de la méthadone et de l'héroïne à des fins thérapeutiques; étudier la relation entre l'utilisation des stupéfiants et le respect des droits de la personne tel qu'énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration universelle des droits de l'homme, particulièrement en ce qui concerne l'utilisation des stupéfiants - marijuana, méthadone, héroïne - à des fins médicales; présenter les expériences menées dans d'autres pays comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suisse, la France, les États-Unis, l'Allemagne et l'Australie pour combattre l'utilisation de la drogue dans leurs sociétés respectives et pour développer des politiques de réduction des méfaits; faire le point sur la consommation des stupéfiants dans les établissements pénitentiaires canadiens et vérifier si les détenus ont accès aux programmes de traitement et d'échange de seringues, en conformité avec leurs droits fondamentaux; expliquer en profondeur le fonctionnement de la stratégie de réduction des méfaits et énumérer les options qui s'offrent aux Canadiens pour réduire les conséquences néfastes de la consommation des stupéfiants dans la société; enfin, élaborer des solutions de rechange pour améliorer l'actuel système de contrôle de l'utilisation des stupéfiants au Canada.

Comme vous le voyez, le mandat que j'ai confié à Diane Riley avait pour but d'apporter des informations supplémentaires sur des points identifiés par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lorsqu'il a étudié le projet de loi C-8.

Je puis affirmer aujourd'hui que cette étude exhaustive, l'une des plus complètes jamais réalisées à l'intention du grand public, va permettre aux membres du Sénat et aux Canadiens et Canadiennes de mieux comprendre les effets réels de la consommation des stupéfiants et de ses conséquences pour notre société et pour l'avenir de notre pays.

Je voudrais souligner ici que parallèlement au travail de Diane Riley, j'ai demandé au Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement d'étudier et de commenter les obligations internationales du Canada en vertu des principales conventions internationales sur le contrôle de l'utilisation des stupéfiants. Les traités internationaux retenus pour l'analyse sont la Convention sur les stupéfiants de 1961, la Convention sur les substances psychotropes de 1971 et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988. Le Canada a signé ces trois traités. Cette étude très pointue a permis de comparer les obligations contenues dans ces conventions internationales avec les dispositions prises par la législation canadienne pour s'y conformer, notamment celles énoncées dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les conclusions très surprenantes de cette étude sont comprises dans le document préparé par Mme Riley.

Par exemple, lors de l'étude du projet de loi C-8, le gouvernement fédéral a affirmé que cette législation permettrait au Canada de répondre aux obligations internationales contenues dans les trois conventions que j'ai mentionnées plus tôt. Cela pouvait donc justifier l'approche répressive adoptée par le projet de loi C-8.

La Convention unique de 1961 exige des pays qu'ils adoptent des dispositions pénales contre la possession. Depuis lors, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, qui oblige les pays à traiter en infraction criminelle la possession, l'achat ou la culture de stupéfiants à des fins personnelles. Par contre, cette obligation est subordonnée aux principes constitutionnels de chaque pays.

(1930)

Le gouvernement canadien pourrait ainsi justifier une dérogation à la politique de prohibition en affirmant que la criminalisation va à l'encontre du principe fondamental de modération de notre droit criminel. L'autre obligation, celle de criminaliser la consommation personnelle de drogues, s'applique seulement lorsque la possession est contraire aux dispositions de la Convention unique de 1961. En bref, ces conventions prévoient expressément des exceptions à la prohibition. Elles permettent également aux pays signataires de les faire modifier ou de les dénoncer. Sur la base de considérations particulières, le Canada pourrait donc utiliser l'une de ces deux options pour revoir ses politiques canadiennes antidrogues.

Je vous propose aujourd'hui le document préparé par Mme Riley pour appuyer mon intervention au Sénat et pour vous offrir un outil complet de nature à vous permettre de participer au débat sur ces questions en meilleure connaissance de cause. J'espère qu'il vous aidera à analyser la politique de contrôle de l'utilisation des stupéfiants sous un jour nouveau.

Nous devons cesser d'utiliser la répression et la criminalisation pour répondre aux problèmes de notre société qui découlent de l'utilisation des stupéfiants. Cette approche ne fait qu'aggraver la situation intenable de ceux qui se droguent. Plutôt que d'accroître leurs chances de devenir des citoyens à part entière, les politiques actuelles contribuent souvent à les marginaliser davantage. Nous avons en exemple l'échec de la stratégie répressive aux États-Unis. En 1996, notre puissant voisin a consacré 16 milliards de dollars à la guerre contre les stupéfiants. Avec quels résultats? Plus de 90 p. 100 des stupéfiants produits à l'étranger et qui visent le marché interne américain échappent aux douaniers. La drogue s'infiltre dans tous les milieux, y compris les écoles; elle détruit la vie de milliers d'individus et mine la cohésion sociale des grandes métropoles.

Heureusement, la situation n'est pas encore si grave au Canada. Cependant, avec l'adoption du projet de loi C-8, notre politique s'est rapprochée de la politique de nos voisins du sud.

Le temps est maintenant venu de redéfinir notre façon de concevoir les problèmes engendrés par la consommation de stupéfiants et ses effets sur la santé des individus. Nous devons changer notre cadre de pensée et comprendre que ce n'est pas en jetant les toxicomanes en prison que nous éliminerons la consommation de drogues. Les milliards de dollars que coûte le processus de criminalisation seraient mieux utilisés pour lutter contre les trafiquants de drogues et le crime organisé. Nous devons désormais élaborer nos politiques de contrôle de l'utilisation des stupéfiants en situant le problème, comme c'est le cas pour la consommation de tabac et d'alcool, dans la sphère de la santé publique. Ces politiques doivent intégrer, autant que possible, le respect des droits et libertés de chacun de nos concitoyens.

Dans ce dossier très sensible, le Canada se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins - demandez au ministre de la Santé, il le sait. Nous pouvons choisir de continuer à appliquer l'approche répressive prévue par le projet de loi C-8. Dans ce cas, nous renoncerons à défendre les droits des individus atteints de maladies graves qui utilisent le cannabis pour soulager leur douleur. Nous renoncerons également à lutter pour la réinsertion sociale des drogués et la sauvegarde de notre milieu social. Par contre, nous pouvons reconnaître que nous avons commis une erreur - pas juste nous, plusieurs parlements avant nous ont commis des erreurs - en évaluant ce grave problème social et que nous faisons tout pour trouver des solutions de rechange à la répression criminelle.

Dans le cadre du comité que je vous propose de créer, nous pourrons entendre des spécialistes du droit et de la médecine, ainsi que des personnes spécialisées dans l'intervention auprès des toxicomanes. Nous pourrons écouter ce que les Canadiens et les Canadiennes ont à dire sur le sujet et nous nous fonderons sur leurs propositions pour recommander des modifications aux politiques canadiennes de contrôle de l'utilisation des stupéfiants, afin qu'elles reflètent réellement nos valeurs sociales axées sur le respect des droits de l'homme, sur la compassion, l'entraide et le dialogue.

Je souhaite terminer mon intervention en vous citant les paroles du récipiendaire du prix Nobel en économie, Milton Friedman. Dans une lettre adressée au directeur des politiques de contrôle de drogues de la Maison-Blanche, il affirmait:

[Traduction]

L'approche que vous proposez, à savoir davantage de policiers, davantage de prisons, le recours à l'armée dans les pays étrangers, l'imposition de peines sévères aux utilisateurs de drogues et tout un train de mesures répressives, ne peut qu'amplifier une situation déplorable. On ne saurait gagner la guerre aux drogues sans restreindre la liberté humaine et la liberté individuelle que vous et moi chérissons tant. Les drogues, c'est une tragédie pour les toxicomanes. Mais criminaliser leur utilisation, c'est transformer une tragédie en un désastre pour la société, tant pour l'utilisateur que pour le non-utilisateur. La prohibition des drogues que nous pratiquons n'est pas sans rappeler celle de l'alcool. En retarder la décriminalisation ne fera qu'empirer les choses et rendre le problème encore plus insoluble.

[Français]

Sur ces paroles, il ne me reste qu'à vous souhaiter une bonne lecture de ce document. J'espère que vous y trouverez matière à réflexion et que vous participerez activement au débat auquel je vous convie.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je dois dire que l'honorable sénateur Nolin me laisse perplexe. Il y a tellement de bon dans ce que vous dites. Sur cette question, je suis d'un conservatisme absolu.

[Traduction]

Je voudrais avoir l'assurance que nous faisons ce qu'il faut dans ce dossier, parce que j'en ai trop vu. Ceux d'entre vous qui vivent dans des quartiers chics n'ont pas de contact quotidien avec des toxicomanes. Toutefois, dans mon cas, c'est différent; ma soeur ramasse chaque matin les seringues qui traînent derrière chez nous. Je procède avec soin, mais ce n'est pas une étude qui me fait peur, bien sûr.

[Français]

Je crois à la création de ce comité. Si on me convainc, je vais devenir un de vos meilleurs partisans. Avec tous ces gens que vous envisagez de convoquer, avec toutes les réactions qu'ils pourraient produire, pourriez-vous concevoir d'examiner les réactions politiques immédiates de toute libéralisation au Canada en relation avec nos contacts aux États-Unis et en raison de nos frontières communes? Accepteraient-ils que des gens de chez nous puissent entrer chez eux ou l'inverse? C'est une de mes multiples préoccupations. Je crois en cette étude, mais il faudrait se montrer d'un grand conservatisme et d'une grande prudence.

Il y a des ambiguïtés dans ce que je voudrais dire aujourd'hui, mais en regard de cette question sous-jacente que je vous pose, on pourrait commencer le débat ainsi.

Le sénateur Nolin: Premièrement, j'ai sciemment voulu éviter ce mandat précis. En 1908, lorsque la Loi sur l'opium a été adoptée, nous réagissions à ce qui se passait aux États-Unis. Nous avons toujours réagi aux agissements des Américains.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la culture industrielle du chanvre - maintenant permise au Canada - prohibée jusque-là, fut reprise pour des raisons stratégiques. On a recommencé à la prohiber tout de suite après la guerre, parce que les Américains étaient convaincus qu'on ne devait pas la poursuivre.

J'ai sciemment exclu du mandat l'examen des politiques américaines. Soyez assurés que lorsque je parle d'examen des politiques, je parle de notre réaction face aux politiques américaines, et vice versa.

J'ai voulu y faire référence de façon plus polie dans le mandat que je vous demanderai d'approuver et, en temps et lieu, nous examinerons les lois internationales qui nous concernent. Je ne vous cacherai pas que nos voisins américains ont beaucoup d'influence lorsqu'il s'agit d'élaborer des traités internationaux, surtout en matière de drogues.

La réponse à votre question est oui. C'est une pierre angulaire de l'examen qu'on doit entreprendre. Le but que je recherche n'est pas de convaincre les Canadiens que nous avons raison, qu'ils sont dans l'ignorance ou qu'ils ont tort. Nous devons aider les Canadiens. Nous devons surtout aider les politiciens canadiens à regarder lucidement la situation des héroïnomanes pour voir ce qu'il faut faire.

Vous faites référence aux piqueries situées près de vos résidences. On n'en retrouve pas qu'à Montréal, il y en a à Ottawa également. Nous devons cesser cette politique de l'autruche, comme la pratiquent les Américains! Oui. Est-ce qu'on va forcer les Canadiens à accepter ce qu'on croit être bien pour eux? Non. Nous devons le faire tous ensemble et cela inclut nos collègues de l'autre Chambre. On leur avait offert de créer un comité mixte lors de l'étude du projet de loi C-8, et ils ont fait la sourde oreille. On leur a donné trois ans, maintenant, c'est fini. J'ai assez attendu.

Je vais essayer de vous convaincre, au cours des prochains mois, que nous avons assez attendu. Nous devons cela aux Canadiens. Nous devons arrêter de nous faire croire que nos préjugés sont bons. En Suisse, ils avaient le même problème. On a commencé à donner de l'héroïne aux usagers dans des centres prévus à cet effet, où on retrouve des médecins, des infirmières et des travailleurs sociaux qui sont là pour tenter de régler ces problèmes. Le problème des héroïnomanes concerne toute la société.

Le jour où on donne de l'héroïne à ceux qui en consomment, ceux-ci arrêtent de voler pour s'en procurer. Mieux encore, on les aide à se trouver des emplois. Ce n'est pas trop demander à des politiciens et à des parlementaires supposément sages de réfléchir à des solutions de ce genre. C'est à tout cela que je vous convie.

Le sénateur Prud'homme: J'ai une question supplémentaire. Si je vous disais que sans une étude profonde du crime organisé, il nous serait très difficile d'arriver à une solution, que répondriez-vous?

Le sénateur Nolin: Il n'y a pas de doute nous devrons y venir. Pour cela, nous devons affronter les usagers de drogues illicites. Nous devons examiner cette question de front avec celle concernant les pourvoyeurs de ces substances. Cela aussi n'est pas facile, parce qu'il n'y a pas beaucoup de témoins qui vont nous expliquer la réalité de cette situation. Nous allons devoir examiner la question financière, j'y ai fait référence dans mes notes, et il en est question dans le document de Mme Riley. J'ai mentionné quelques chiffres, mais vous savez qu'il s'agit d'un marché tellement important que, si ce marché illicite cessait du jour au lendemain dans le monde, ce serait une quasi-catastrophe économique.

Il ne peut pas y avoir 400 milliards de dollars qui arrêtent de se promener du jour au lendemain sans chambarder les phénomènes économiques mondiaux. Il en est question dans le document. Nous allons devoir, si le Sénat accepte de créer ce comité, examiner cette situation. La question des trafiquants n'est pas l'objet de mon étude. Ce qui m'importe, ce sont les usagers, ceux qui font vivre toute cette chaîne de production illicite et interlope. Ce sont ceux, en bout de ligne, qui en meurent qui me préoccupent. Ce sont eux qui mettent en danger le tissu social canadien. Ils ont besoin de subvenir à leurs besoins et ils sont prêts à prendre tous les moyens pour y parvenir. C'est le problème auquel nous sommes confrontés. En Suisse, lorsqu'ils se sont mis à fournir de l'héroïne aux usagers, les trafiquants ont dû se recycler.

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je relève une contradiction inhérente entre les commentaires du sénateur Nolin sur cette motion et ceux que le sénateur LeBreton a faits plus tôt aujourd'hui sur le projet de loi C-82.

La boisson est une sorte de drogue. Le hachisch et la marijuana, entre autres, sont d'autres formes de drogue. Une drogue est plus ou moins réglementée, alors qu'une autre fait l'objet de règlements et de prescriptions sévères. N'y a-t-il pas une contradiction inhérente entre les propos du sénateur Nolin et ceux du sénateur LeBreton?

Le sénateur LeBreton préconise la tolérance zéro face à un comportement sous l'effet d'une drogue, l'alcool. Le sénateur Nolin va exactement dans le sens contraire en disant qu'il s'oppose à la tolérance zéro et préfère aller dans la direction opposée. Il veut examiner la cause plutôt que l'effet de la consommation de drogues.

Je pose la question sur le plan des idées. Il semble y avoir une contradiction inhérente entre les deux sénateurs qui siègent l'un à côté de l'autre.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, le sénateur LeBreton n'essaie pas d'interdire la consommation d'alcool. Ce qu'elle veut interdire, c'est la conduite avec facultés affaiblies. C'est ce que je veux aussi. C'est la différence.

Je propose que nous regardions le problème en face. Nous ne l'avons jamais fait. Nous n'avons jamais regardé les drogués en face. Ces gens sont des Canadiens et ont des droits fondamentaux. Nous devons nous attaquer à ce problème, car leur problème, c'est aussi le nôtre.

(1950)

Je ne suis pas de votre avis à ce sujet. Il n'y a pas de contradiction dans les positions que nous avons adoptées. Je suis convaincu que l'on possède la technologie permettant de déterminer si un conducteur a les facultés affaiblies par l'alcool ou une drogue. C'est là un autre élément dont nous avons besoin pour résoudre certains problèmes. Les gens commettent des excès de vitesse lorsque leurs facultés sont affaiblies par des drogues. Ils mettent des vies en périls, au même titre que les personnes qui conduisent en état d'ébriété. Nos positions sont complémentaires.

La consommation d'alcool a déjà été prohibée. Il y a près de 70 ans, le gouvernement a décidé qu'il serait lucratif d'abandonner la prohibition. Je ne dis pas que le gouvernement devrait adopter la même solution dans le cas des drogues, mais il devrait reconnaître le problème et chercher à le régler. Ce n'est pas un problème de criminalité. Il s'agit plutôt d'un problème de santé publique. Nous sommes redevables à l'égard des Canadiens.

J'ai trois enfants et je leur dois de m'attaquer à ce problème avec beaucoup de sérieux, car ce sont eux qui y seront confrontés. Nous devons l'étudier avec toute la sagesse ici réunie. C'est un grave problème de santé.

Le sénateur Grafstein: J'apprécie la réponse du sénateur. Cependant, je crois que l'alcoolisme est également un grave problème de santé. Certains soutiennent que c'est une maladie aussi grave que la toxicomanie. Par conséquent, on peut craindre qu'en centrant notre attention sur la tolérance zéro, nous perdrons de vue les causes qui sont à la racine de ce regrettable comportement social.

Je serai curieux d'entendre les témoignages devant le comité chargé d'étudier le projet de loi parrainé par le sénateur LeBreton, parce que la question est fondamentale. J'ai constaté que les Canadiens demandent de plus en plus la tolérance zéro face aux comportements socialement indésirables. Pourtant, le Canada a probablement le taux d'incarcération le plus élevé en Occident et les problèmes s'aggravent. Nous avons un sérieux problème de politiques sociales. J'espère que votre étude et le renvoi au comité du projet de loi du sénateur LeBreton nous aideront à décider de la direction à prendre.

Le sénateur Nolin: Nous avons déjà la tolérance zéro pour ce qui est des drogues illicites, mais ces drogues causent quand même un énorme problème au Canada. Nous consacrons des milliards de dollars pour lutter contre ce problème, mais nous n'en venons pas à bout. C'est peut-être parce que nous ne le comprenons pas. La tolérance zéro est une bonne chose quand on a les techniques appropriées pour la mettre en application. Nous avons déjà toutes les peines voulues dans le Code criminel, mais nous ne venons pas à bout du problème.

Nous devons le redéfinir. Nous posons des questions que d'autres pays ont commencé à solutionner il y a un quart de siècle. Nous devrions peut-être nous pencher sur les réponses qu'ils ont trouvées.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Kenny, le débat est ajourné.)

[Français]

Transports et communications

Motion autorisant le comité à examiner l'information, les arts et les divertissements offerts à la population canadienne-Ajournement du débat

L'honorable Marie-P. Poulin conformément à son avis du jeudi le 10 juin 1999, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'information, les arts et les divertissements offerts à la population canadienne par les médias traditionnels et modernes, compte tenu de l'évolution des communications de masse et des nouvelles technologies;

Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible les travaux; et

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 15 juin 2000.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais qu'on m'explique une chose. J'aimerais connaître le coût et les paramètres de cela?

Le sénateur Poulin: Honorables sénateurs, étant donné que le sénateur Nolin a parlé longuement de son étude et que l'étude ne coûtera rien pour le moment, je ne pensais pas que l'on me demanderait des explications. Toutefois, je serai très heureuse de présenter le cadre théorique.

Comme vous le savez probablement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a examiné longuement l'évolution de la nouvelle technologie, la convergence des médias traditionnels et nouveaux et son impact à quatre niveaux: sur les ressources humaines, sur l'identité nationale, sur la diversité de notre culture et sur les nouvelles alliances stratégiques sur le plan du commerce.

Nous avons conclu que notre pays était prêt à prendre sa place dans cette révolution technologique. L'industrie a demandé au comité d'étudier la qualité, la quantité, l'équilibre et l'objectivité de l'information qui est maintenant disponible pour les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, au sein de cette nouvelle convergence de technologies. Au cours de l'été, nous allons formuler un cadre théorique pour une étude appropriée.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Forrestall, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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